Guerre en Ukraine : l’opprobre qui frappe les oligarques atteint le marché de l’art

Jeudi 3 mars 2022

Économie Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine : l’opprobre qui frappe les oligarques atteint le marché de l’art

Les maisons de vente sont embarrassées, en particulier Phillips, détenu par le groupe de luxe russe Mercury.

Par Roxana Azimi Publié aujourd’hui à 11h12

L’argent n’a pas d’odeur, surtout dans un marché de l’art opaque, où galeries et maisons de ventes ont rarement fait passer la morale avant les affaires. Ami d’enfance et partenaire de judo du président russe, Vladimir Poutine, Boris Rotenberg fait partie des clients sulfureux. Après avoir fait l’objet de sanctions de la part du gouvernement américain, en mars 2014, à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie, le patron de SMP Bank a continué à blanchir son argent en achetant de l’art et ce, en toute impunité, par le biais de prête-noms et de comptes offshore, comme l’a révélé en 2020 un rapport du Sénat américain fondé sur les « Panama Papers ». De mai à novembre 2014, M. Rotenberg et son frère Arkadi ont ainsi acquis pour 18 millions de dollars (16,1 millions d’euros) d’œuvres. La fratrie s’est même adjugé dix tableaux, d’une valeur de 6,8 millions de dollars, lors d’une seule vente d’art moderne chez Sotheby’s.

A l’époque, la maison d’enchères interrogée par le Sénat américain avait juré qu’on ne l’y reprendrait plus. Aujourd’hui, l’écurie de Patrick Drahi et ses concurrentes ne pourront plaider l’ignorance : Boris et Arkadi Rotenberg figurent sur la liste des oligarques russes ciblés par les sanctions internationales depuis l’offensive militaire menée par le maître du Kremlin contre l’Ukraine. Leurs avoirs, comme ceux d’autres super-riches proches du régime de M. Poutine, ont été gelés.

A l’instar des Rotenberg, de nombreux milliardaires russes agissent depuis une vingtaine d’années sur le marché de l’art. Leurs collections sont généralement stockées hors de Russie, dans les ports francs suisses, ces coffres-forts hautement sécurisés et ultrasecrets où elles sommeillent, à l’abri des regards et du fisc. Certaines pièces sont accrochées dans leurs luxueuses résidences secondaires, notamment à Londres, rebaptisé « Moscow-on-Thames » ou « Londongrad » en raison de la densité des fortunes russes.

« C’est “business as usual” »

En 2008, Roman Abramovitch, qui a annoncé la mise en vente son club de football de Chelsea, s’est ainsi offert coup sur coup un triptyque de Francis Bacon pour 86 millions de dollars et un tableau de Lucian Freud pour 33,6 millions. Avec son ex-compagne Dasha Zhukova, qui a fondé le centre d’art Le Garage à Moscou, il a aussi acheté une quarantaine d’œuvres des Kabakov, un couple d’artistes russes de renommée mondiale. Epargné pour l’heure par les sanctions, M. Abramovitch est dans le collimateur du député travailliste Chris Bryant qui, l’accusant de corruption, a demandé à la Chambre des communes la saisie de ses biens. Lire la suite.

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