« L’Elysée (et les oligarques) contre l’info » : un plaidoyer pour la liberté d’informer

Lundi 10 janvier 2022

Débats Médias

« L’Elysée (et les oligarques) contre l’info » : un plaidoyer pour la liberté d’informer

S’appuyant sur de nombreux exemples d’entraves faites à des journalistes, l’auteur, lui-même victime de pressions, s’attache à mettre en lumière les liens étroits entre grands patrons de la télé et dirigeants politiques. Sans pour autant apporter une réflexion nouvelle sur le sujet.

Par Aude Dassonville Publié aujourd’hui à 12h30

Livre. Sans doute Jean-Baptiste Rivoire ne pouvait-il espérer meilleure date de sortie du livre (le 12 janvier) qu’il a mis cinq années à écrire. A trois mois du premier tour de l’élection présidentielle, L’Elysée (et les oligarques) contre l’info est de nature à donner des silos de grain à moudre à tous ceux qui se défient déjà de l’information, au motif que celle-ci serait aux mains des intérêts économiques les plus puissants contre lesquels nos dirigeants successifs ne peuvent, ou ne veulent, rien tenter.

Interventionnisme, désir de manipulation, faible défense de la liberté de la presse, voire tentation de la limiter (avec la loi « sécurité globale », adoptée par le Parlement en 2021) : aucun des trois derniers présidents de la République ne sort grandi de ces 400 pages menées au son du canon. « Pour avoir encouragé une poignée de riches industriels à prendre le contrôle de la quasi-totalité des médias privés, les responsables politiques français se retrouvent piégés, contraints de leur montrer patte blanche pour accéder au pouvoir, cingle l’auteur en introduction. Au risque de faire de l’Elysée un adversaire de la liberté de l’information. » Censures et pressions

Affaire Bygmalion – portant sur les comptes de campagne de l’UMP (prédécesseur du parti Les Républicains) en 2012 –, que Nicolas Sarkozy aurait préféré ne pas voir révélée dans l’émission « Envoyé Spécial » (France 2) ; pressions et tentatives de chantage de LVMH afin que le magazine « Complément d’enquête » (France 2) abandonne une enquête de Tristan Waleckx sur les affaires du groupe de luxe ; révélations de Valentine Oberti sur les armes françaises utilisées contre les populations civiles au Yémen, auxquelles l’émission « Quotidien », diffusée sur TMC (groupe TF1), a d’abord renoncé, etc. D’investigations entravées en reportages censurés, de pressions exercées en coupes demandées, l’ouvrage compile la foule de déboires rencontrés par des journalistes d’investigation alors qu’ils s’efforçaient de conduire des enquêtes pour les chaînes de télévision publiques ou privées (les journaux et la radio sont peu évoqués).

A l’instar des coups portés contre l’information dans le groupe Canal+, qui alimentent la chronique depuis plusieurs années, la plupart de ces affaires ont été révélées par la presse, voire décortiquées dans des livres d’enquête abondamment cités. Leur compilation sourcilleuse, sur une quinzaine d’années, provoque tout de même le vertige. Aucun groupe de médias détenu par un « oligarque » (donc pas davantage Le Monde, dont Xavier Niel est actionnaire à titre personnel, que les groupes Altice de Patrick Drahi, TF1 de Martin Bouygues, ou celui d’Arnaud Lagardère…) n’échappe au très large coup de filet de Rivoire. L’audiovisuel public n’est pas épargné : l’auteur avait visiblement à cœur de raconter comment, tout en préservant les derniers espaces consacrés à l’investigation sur les antennes de France Télévisions, sa présidente, Delphine Ernotte, en a organisé l’attrition. Lire la suite.

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