L’affaire Rhodia continue sans Lasteyrie

Lundi 16 juillet 2007

L’affaire Rhodia continue sans Lasteyrie

Finance. L’investisseur à l’origine de la plainte contre le groupe en 2004 est mort à 58 ans.

Par NICOLAS CORI

QUOTIDIEN : lundi 16 juillet 2007

Ses adversaires le traitaient de maître chanteur, lui préférait se décrire comme un financier à l’affût des bonnes affaires boursières. Hugues de Lasteyrie est mort vendredi à Paris des suites d’un infarctus. Il avait 58 ans. Ces dernières années, il s’était fait connaître du grand public par son implication dans l’affaire Rhodia. Avec Edouard Stern, le banquier assassiné, il avait été à l’origine de ce scandale impliquant de hautes figures de l’establishment, comme Jean-René Fourtou, le patron de Vivendi, ou Thierry Breton, l’ex-ministre de l’Economie.

Faux. Diplômé de Sciences-Po, le comte de Lasteyrie du Saillant était issu d’une vieille famille nobiliaire de serviteurs de l’Etat. Après un début de carrière dans la banque, il avait travaillé pour Bernard Arnault dans les années 80, avant d’investir pour son propre compte. Sa méthode : s’inviter dans le capital d’entreprises sous-évaluées, faire pression sur les dirigeants pour qu’ils vendent des actifs. Et toucher une plus-value quand le cours remonte.

Il comptait bien réitérer la manœuvre avec Rhodia, un groupe chimique qui paraissait sous-évalué. Mais les 50 millions investis en 2001 s’étaient vite volatilités. Le groupe avait frôlé la faillite en 2003, et l’action s’était effondrée. Avec Edouard Stern, qui avait aussi investi dans Rhodia, il avait vite acquis la conviction que les comptes du groupe étaient faux.

Il y a quelques semaines, l’Autorité des marchés financiers lui avait donné partiellement raison : elle a condamné ­l’ancien PDG de Rhodia, Jean-Pierre Tirouflet, à 500 000 euros d’amende pour communication financière « inexacte, imprécise et trompeuse ».

Informations. En 2004, le duo avait porté plainte, puis, une fois Stern décédé, Lasteyrie avait continué seul le combat en multipliant les procédures. Il réalisait lui-même son enquête, puis transmettait les informations qu’il avait découvertes à la justice. L’aristocrate n’hésitait pas à s’en prendre aux dirigeants de l’AMF, les accusant d’avoir protégé Breton ou Fourtou, tous deux ex-administrateurs de Rhodia. Cette affaire était devenue toute sa vie. La veille de son décès, il était interrogé par la police judiciaire pour apporter des précisions sur une nouvelle ramification du dossier.

Samedi, ses proches indiquaient que sa disparition ne mettait pas fin à l’affaire. Sa famille « a pris toutes les dispositions pour que la justice soit en mesure de donner la suite qui convient à toutes ces procédures ».

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