L’argent secret des paradis fiscaux

Mardi 8 mai 2007 — Dernier ajout jeudi 6 septembre 2007

L’argent secret des paradis fiscaux

Sylvain Besson, Seuil, 2002, 279 p.

Journaliste suisse, l’auteur est un vrai spécialiste des pratiques financières de son pays. Son ouvrage, très lisible, cumule plusieurs intérêts. Il initie ceux qui ne le seraient pas encore aux multiples méthodes de l’argent offshore, hors-les-lois - ses « usines à gaz », ses sociétés-écrans (à emporter), ses gérants de fortune, ses porteurs de valises, ses « compensations » en tout genre. Les paradis fiscaux ont pour but de protéger tous les calculs privés (ceux des gens riches "ordinaires" comme ceux des multinationales, la prédation des richesses du Tiers-monde, la mise à l’abri des fortunes dictatoriales, le blanchiment dl’argent mafieux) contre les logiques de bien public. Comme le confesse une milliardaire, « seules les petites gens paient des impôts ».

Autre intérêt : depuis son observatoire helvète, Sylvain Besson voit passer un grand nombre des « clients » de nos Billets. Les comptes et magouilles des Bongo, Abacha, Sirven, Tarallo, Lethier, Falcone, Gaydamak, Kamel, Schuller, etc. défilent avec les pages. Dans leur sillage surgissent un certain nombre de personnages qui mériteraient d’être davantage connus. Tels Gilbert Chagouri, figure centrale d’une nouvelle affaire Elf, l’un des hommes-clefs de la mise à sac du Nigeria. Au passage, l’on comprend peut-être pourquoi Jacques Chirac adorait les vacances fastueuses dans les palaces de l’île Maurice : c’est une sorte de 23e canton suisse, de Genève-plage. Pierre Falcone y avait des « comptes bancaires bien garnis » (p. 124).

Rappelons une évidence : l’ingénierie financière ne va pas à Monaco, Gibraltar ou aux îles Vierges, elle reste pour l’essentiel à Londres, Genève ou Zurich. Quand, dans l’un des épisodes de la ruine de la Russie, 70 milliards de dollars sont passés en quelques jours « par une simple cabane plantée sous le soleil de Nauru, îlot du Pacifique » (p. 12), c’était un simple transit télématique et "administratif" entre Moscou et les places financières occidentales. Panama ou les îles Caïman ne sont que des relais de l’opacité.

L’on aperçoit également le redéploiement offshore des grandes banques françaises, notamment BNP-Paribas et le Crédit agricole - impliqué dans le pillage incroyable du Nigeria. Même la célèbre société Pasteur Mérieux se trouve compromise : en facturant 22 millions de dollars de vaccins à la société d’un intermédiaire nigérian, « impeccablement habillé et éduqué », elle a permis que le prix en soit multiplié par cinq. Résultat : 89 millions de dollars volés à la santé des Nigérians. Et Pasteur d’en rajouter en recommandant cette société auprès de la banque Barings… Une lecture salutaire, donc, pour tous ceux qui revendiquent une éradication de telles pratiques.

Extraits de BAA N°108 - Novembre 2002 -

Publié avec l’aimable autorisation de Survie.

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