La France prudente sur le dossier de l’ex-dictateur Noriega

Dimanche 26 août 2007

Amériques

La France prudente sur le dossier de l’ex-dictateur Noriega

REUTERS | 26.08.2007 | 14:31

PARIS (Reuters) - La France a accueilli avec prudence et discrétion la décision d’un magistrat américain ouvrant la voie à une extradition vers Paris de l’ancien dictateur du Panama Manuel Noriega, sur le point d’être libéré après 17 ans de détention aux Etats-Unis pour trafic de drogue.

Ni l’Elysée ni Matignon n’ont réagi officiellement à la décision prise vendredi par le juge de Miami William Hoeveler.

La France a « pris note » de cette décision, a-t-on déclaré dimanche de source diplomatique française, sans autre commentaire.

Le juge Hoeveler a rejeté l’argument de Manuel Noriega qui estimait qu’en qualité supposée de « prisonnier de guerre », il avait droit à un rapatriement immédiat dans son pays et ne pouvait donc être extradé vers Paris.

La France souhaite qu’il purge une peine de dix ans de prison ferme prononcée en 1999 pour blanchiment de l’argent de la drogue.

Contacté par Reuters, le porte-parole du ministère de la Justice français Guillaume Didier s’est refusé à tout commentaire, se contentant de préciser que l’examen de la demande française d’extradition « n’était pas finie ».

Une nouvelle audience est en effet programmée mardi prochain devant le juge William Turnoff.

Capturé en 1990 au Panama après une intervention militaire américaine, Manuel Noriega a été condamné en 1992 à 40 ans de prison par un tribunal de Miami pour trafic de drogue notamment, peine ramenée ensuite à 30 ans. Il doit être libéré le 9 septembre après une réduction de peine pour bonne conduite.

L’ancien dictateur souhaite revenir au Panama, mais les autorités locales demandent aussi son extradition pour qu’il purge une peine de 15 ans de prison prononcée par contumace pour le meurtre, en 1985, de Hugo Spadafora, médecin et journaliste qui fut l’un de ses plus vigoureux opposants, et une autre peine de 20 ans prononcée pour le meurtre d’un autre opposant.

Si Noriega devait être extradé vers la France, a réagi vendredi un porte-parole du gouvernement panaméen, les autorités adresseraient une demande d’extradition à Paris.

PARIS EMBARRASSÉ ?

A Paris, l’avocat du l’ancien dictateur panaméen, Me Olivier Metzner, soutient que la demande française n’est pas valide, car selon lui les faits seraient prescrits.

Il souligne que le parquet de Paris a laissé sans réponse une « opposition » déposée en 2004 contre le jugement prononcé par défaut le 1er juillet 1999. Le dossier serait donc, selon l’avocat, automatiquement refermé.

Si l’ancien homme fort du Panama revenait en France, il pourrait demander à être rejugé en première instance, ce qui ouvrirait la voie à un marathon judiciaire, avec supplément d’information, nouveau procès en correctionnelle, possible appel et pourvoi en cassation.

Dans son jugement de 1999, le tribunal correctionnel de Paris a aussi condamné à dix ans de prison Felicidad Noriega, épouse de l’ex-dictateur, actuellement en fuite. Il a délivré des mandats d’arrêt, prononcé la confiscation des biens du couple, et leur a infligé des amendes de 32 millions d’euros.

Les douanes françaises, qui avaient lancé l’affaire en 1989, ont trouvé 2,28 millions d’euros sur les comptes ouverts par les Noriega et leurs proches dans les banques CIC, BNP, Crédit Lyonnais et Banco do Brasil à Paris et ont été crédités au total de 15,85 millions d’euros entre 1982 et 1989.

Les Noriega avaient également acheté trois appartements de luxe à Paris, dont un a été vendu pour 10 millions de francs (1,5 million d’euros). Cette somme est depuis sous séquestre, ainsi que les deux autres appartements.

Les enquêtes américaine et française ont établi que l’ex-dictateur avait transformé son pays, dans les années 1980, en plate-forme de distribution mondiale de la cocaïne produite par les cartels colombiens, auxquels il aurait été lié.

L’affaire intervient alors que de nombreuses entreprises françaises souhaitent participer au marché de l’extension du canal de Panama, qui s’ouvre prochainement.

L’ambassadeur de France au Panama Pierre-Henri Guignard a déclaré à ce propos le 22 août au quotidien Estrella de Panama, cité par Le Monde : "Notre force, ce sont les écluses et nous comptons y participer".

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Publié avec l’aimable autorisation de l’Agence Reuters.

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