Le Conseil de l’Europe épingle une justice vaticane peu armée contre les délits financiers

Mercredi 9 juin 2021

Le Conseil de l’Europe épingle une justice vaticane peu armée contre les délits financiers

9 juin 2021 Par Agence France-Presse

  • Mediapart.fr

Les experts de Moneyval -organe du Conseil de l’Europe- ont publié mercredi un rapport d’inspection « positif » sur les progrès du Saint-Siège dans la lutte contre le blanchiment d’argent, mais ils ont été plus cinglants sur un système judiciaire peu armé face aux délits financiers.

Les experts de Moneyval -organe du Conseil de l’Europe- ont publié mercredi un rapport d’inspection « positif » sur les progrès du Saint-Siège dans la lutte contre le blanchiment d’argent, mais ils ont été plus cinglants sur un système judiciaire peu armé face aux délits financiers.

Un rapport de près de 300 pages recommande ainsi aux services judiciaires du pape de recruter davantage de procureurs ayant une expérience pratique en matière de crimes financiers complexes et de renforcer son unité d’enquêteurs financiers. Il demande aussi une meilleure procédure pour poursuivre des cardinaux et des évêques, au sommet de l’Eglise.

Les inspecteurs soulignent aussi le manque d’effectifs de la justice vaticane au vu de la lenteur des procédures. Une référence à un procès qui a duré des années contre un ex-président de la Banque du Vatican, finalement condamné en janvier dernier à neuf ans de prison pour s’être enrichi en vendant frauduleusement une vingtaine de biens immobiliers du Saint-Siège.

C’était la toute première fois qu’une peine d’incarcération était prononcée dans l’Etat du Vatican pour un délit financier.

L’inspection de Moneyval, qui a eu lieu à l’automne avant cette sentence, a conclu que les peines prononcées par la justice vaticane sont « plutôt minimales » et « pas dissuasives ». « Globalement les résultats du tribunal sont modestes », écrit l’organisme en évoquant deux condamnations pour blanchiment en 2018 et 2019.

Le rapport tombe après deux années houleuses liées aux soubresauts d’une enquête interne sur le financement opaque -et potentiellement peu éthique- par le Saint-Siège de l’achat d’un immeuble de luxe londonien.

L’un des cardinaux les plus influents du Vatican, l’Italien Angelo Becciu, a en outre été écarté par le pape en raison de soupçons de « détournements de fonds » en faveur de ses frères. Il occupait également un poste décisionnaire pour l’investissement de l’immeuble londonien. Aucune date n’a encore été fixée pour un procès qui tarde à être annoncé et ne manquera pas d’être médiatisé.

Ces affaires internes n’ont donc pas échappé aux experts de Moneyval, qui notent qu’elles ont « mis au jour un risque d’abus du système interne par des personnalités de niveau intermédiaire ou haut placées ».

Le Saint-Siège bénéficie toutefois globalement d’un « rapport positif » pour ses efforts visant à garantir « une coopération internationale constructive » dans les domaines du blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

« Il existe un programme rigoureux de surveillance des transactions », ont ainsi jugé les inspecteurs du Conseil de l’Europe.

Le Vatican a accueilli ces commentaires avec « satisfaction », tout comme le gendarme financier du Vatican, l’Autorité de supervision et d’information financière (ASIF) qui a été récemment réformée et rebaptisée par le pape après avoir été sérieusement remise en cause.

Ce gendarme s’était en effet lui-même retrouvé au cœur de l’enquête sur l’immeuble de luxe londonien acheté par le Saint-Siège, qui avait abouti à des perquisitions dans ses bureaux, à la suspension de son numéro deux et à la démission de son président.

Suite à cette perquisition pouvant faire craindre des problèmes de confidentialité, le gendarme financier avait été exclu pendant deux mois du réseau international informel Egmont, qui vise par l’échange d’informations à améliorer la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Le Saint-Siège (qui regroupe les institutions qui aident le pape à gouverner l’Eglise) avait demandé en 2011 à adhérer au processus d’évaluation de Moneyval, qui étudie les instruments législatifs et les réformes de transparence financière pour prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

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