Le juge Thierry Jean-Pierre est mort

Mercredi 27 juillet 2005 — Dernier ajout samedi 12 mai 2007

NOUVELOBS.COM | 27.07.05 | 16:25

Thierry Jean-Pierre, « petit juge » du Mans décédé mardi des suites d’un cancer, s’était rendu célèbre par son instruction de l’affaire politico-financière Urba puis par ses combats contre la corruption.

Thierry Jean-Pierre, décédé mardi 26 juillet des suites d’un cancer à la veille de ses 50 ans, était un « petit juge » du Mans lorsqu’il fut rendu célèbre, il y a quinze ans, par son instruction de l’affaire politico-financière Urba, puis par ses combats contre la corruption.

Les obsèques auront lieu vendredi à 15h30 au cimetière du Père Lachaise à Paris, a-t-on appris auprès de son entourage. Auparavant, une cérémonie religieuse se déroulera au Mans (Sarthe), ville où il a exercé ses fonctions de juge.

« Esprit trop indépendant »

Mince, blond et pâle, ce magistrat d’« esprit trop indépendant » selon ses supérieurs se fit connaître par un coup d’audace : un accident du travail mortel, survenu en 1990 sur un chantier du Mans (Sarthe), lui donna le prétexte de s’attaquer au financement du Parti socialiste.

Le dimanche 7 avril 1991, le juge sarthois s’en va perquisitionner à Paris, au siège d’Urba-Gracco, bureau d’études du PS soupçonné d’alimenter les finances de celui-ci par le biais de commissions sur les travaux publics.

Durant son instruction sur un simple accident du travail, un témoin (militant socialiste) lui a en effet assuré, en substance, que l’accident ne serait pas arrivé si l’entreprise ne rognait pas sur le budget de sécurité au profit de commissions occultes.

« Le franc-tireur de la justice »

Le juge s’enferme à double tour dans les bureaux dont il a fait changer les serrures, pour mieux fouiller les archives. Le substitut venu lui annoncer qu’il est dessaisi, à chaud, du dossier doit patienter derrière la porte. Et les médias attendent déjà ce magistrat qu’on appellera « le franc-tireur de la justice ». Si l’instruction de cette retentissante affaire Urba lui est immédiatement retirée, l’ensemble de sa procédure sera ensuite validée par les différentes instances judiciaires qui auront à en juger.

Le visage aigu caché derrière des lunettes strictes, le juge va ensuite « découvrir », grâce à un coup de fil anonyme, que le Premier ministre Jean-Pierre Bérégovoy (PS) a bénéficié d’un prêt d’un million de francs (150.000 EUR) sans intérêts consenti par un ami du président François Mitterrand, Roger-Patrice Pelat.

L’affaire affecte énormément le chef du gouvernement, quelque temps avant son suicide le 1er mai 1993.

Elu député européen

Né le 27 juillet 1955 en Lozère, d’une mère institutrice aveyronnaise et d’un père professeur réunionnais, Thierry Jean-Pierre fut d’abord inspecteur du trésor à Bourges puis intendant de collège à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), avant d’épouser la profession de sa femme magistrate.

Au début de sa carrière, il milita au Syndicat de la magistrature (engagé à gauche). Puis, ami de Philippe de Villiers, il devint l’un des plus virulents ténors de la droite : élu en 1994 député européen sur la liste de Villiers en 1994, réélu en 1999 au parlement de Strasbourg sur la liste conduite par Nicolas Sarkozy.

Pour l’élection présidentielle de 2002, il s’activa comme membre du comité de campagne pour la candidature d’Alain Madelin.

Avocat au barreau de Paris depuis 2002, il avait renoncé l’an dernier à la vie politique.

Sa volonté de lutter contre la corruption lui avait fait écrire plusieurs livres sur les défaillances du système politico-administratif français, dont « Lettre ouverte à ceux que les petits juges rendent nerveux » (1995), "Crédit Lyonnais : L’Enquête« (1997) ou encore »Taïwan Connection" (2003).

© Le Nouvel Observateur 2003/2004

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