Le magot caché aujourd’hui envolé

Mercredi 10 mai 2006 — Dernier ajout mardi 21 avril 2009

Médias

Le magot caché aujourd’hui envolé

Selon nos informations, la cagnotte de 90 millions de francs bloquée au Liechtenstein a été déjà été dépensée par la Socpresse.

Par Renaud LECADRE

mercredi 10 mai 2006

La cagnotte cachée de France Soir a fait saliver plus d’un repreneur depuis une quinzaine d’années.

Selon nos informations, elle a été vidée en juin 2002, via une discrète « transaction » entre Yves de Chaisemartin, à l’époque président de la Socpresse (groupe Hersant), et le groupe italien Poligrafici Editoriale, qui venait de racheter Presse Alliance, la société éditrice de France Soir.

Petit rappel des faits. En 1989, la Socpresse est criblée de dettes. Elle n’a plus les moyens de combler les déficits de France Soir. Le quotidien est prié de vendre son immeuble historique, au 100 rue Réaumur, pour sauver les meubles. Mais un dessous de table de 90 millions de francs est versé par l’acheteur sur un compte à l’étranger ­ une pratique fréquente en matière immobilière. Ce magot, qui aurait dû revenir à Presse Alliance, donc à France Soir, est d’abord logé dans une société basée à Genève, Mandataire SA, puis dans une fondation au Liechtenstein, Highland (Libération du 28 avril).

Mise en examen. En 1994, une enquête pénale est ouverte, visant une filiale du Crédit lyonnais ayant participé au montage. Tardivement, en 2002, la juge d’instruction Eva Joly, en charge de l’affaire, apprend que le bénéficiaire final de cette commission baladeuse est Yves de Chaisemartin, qui est aussitôt mis en examen. Il explique avoir agi sur instruction de Robert Hersant, propriétaire de la Socpresse. Selon lui, l’argent devait servir à financer des investissements internationaux de la Socpresse.

Le 20 juin 2002 une « transaction » est signée entre la Socpresse, représentée par son président Yves de Chaisemartin, et Presse Alliance, passé entre-temps sous le contrôle du groupe italien Poligrafici Editoriale. Elle dresse un état des lieux financier entre les deux entreprises de presse. Une liste d’abandons de créances consentis par la Socpresse à son ancienne filiale, assortis d’une clause de retour à meilleure fortune : il y en a pour 128 millions de francs sur la seule année 1994. Puis les deux parties en viennent au vif du sujet : la mise en examen de Chaisemartin « du chef d’un prétendu abus de biens sociaux de 90 millions de francs ». Suit un échange de plus ou moins bons procédés. La Socpresse fait une croix sur les millions engloutis dans son ex-filiale. En « contrepartie », Presse Alliance fait une croix sur la cagnotte.

Faux nez. Le problème, c’est que Presse Alliance s’est récemment constitué partie civile dans la procédure pénale, sous la houlette de l’homme d’affaires égyptien Raymond Lakah, énième propriétaire de France Soir, dans le but de récupérer le magot. Mais la « transaction » avait tout prévu : « Presse Alliance s’engage irrévocablement à se conformer aux instructions de la Socpresse dans la procédure visée. » Une partie civile dissimulée sous un faux nez, c’est une première dans les annales judiciaires.

Selon Yves de Chaisemartin, le magot a finalement servi de garantie dans le cadre d’un litige entre la Socpresse et le groupe belge Rossel (propriétaire du Soir à Bruxelles et de la Voix du Nord). La cagnotte serait donc vide. Le tribunal de commerce de Lille a pourtant statué sur cette foutue créance, comme si elle existait encore. « Tout le monde est au courant et fait semblant de ne pas savoir », affirme Chaisemartin, entretemps recruté par Marianne comme actionnaire.

Et qui se dit « désolé » pour France Soir.

© Libération

Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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