Procès Wildenstein : surprise au tribunal avec la relaxe générale accordée aux héritiers

Vendredi 13 janvier 2017

Procès Wildenstein : surprise au tribunal avec la relaxe générale accordée aux héritiers

La justice a accordé une relaxe générale au terme du procès des héritiers Wildenstein, riche famille de marchands d’art poursuivie pour fraude fiscale.

Source AFP Modifié le 12/01/2017 à 10:58 - Publié le 12/01/2017 à 07:36 | Le Point.fr

Le verdict du procès pour fraude fiscale des Wildenstein a réservé une surprise. Les héritiers richissimes d’une lignée célèbre de marchands d’art ont bénéficié ce jeudi 12 janvier d’une relaxe générale. Le président Olivier Géron a épinglé la « claire intention » de dissimulation des Wildenstein. Il a reconnu que cette décision pouvait donc être « incomprise », mais l’a expliquée par des lacunes de l’enquête et des déficiences législatives en matière de lutte contre la fraude fiscale.

Les membres de la famillle Wildenstein, poursuivis dans ce dossier, sont considérés comme des « impressionnistes » de la fraude, « la plus sophistiquée et la plus longue » de l’histoire récente en France selon le parquet, qui a permis de cacher des milliards d’euros au fisc. Quatre ans de prison, dont deux avec sursis et une amende de 250 millions d’euros, avaient été requis contre le principal héritier, le Franco-Américain Guy Wildenstein, 71 ans.

En octobre, le tribunal correctionnel de Paris a jugé pendant quatre semaines six personnes : Guy Wildenstein, son neveu Alec Junior, la veuve d’un autre héritier, Liouba Stoupakova, deux avocats et un notaire. Deux « trusts », des sociétés anglo-saxonnes de gestion d’actifs, figurent aussi dans le box des accusés. Autant d’« impressionnistes de la finance », a ironisé l’accusation en référence à la presque légendaire collection de tableaux des Wildenstein : des Bonnard, Fragonard, un Caravage, Le Joueur de luth, entreposé en Suisse, loin des regards et des impôts, qui vaudrait plusieurs millions d’euros.

Une fortune estimée à plusieurs milliards d’euros

La gigantesque fortune des Wildenstein est estimée à plusieurs milliards d’euros en immobilier de prestige, chevaux de course et toiles de maîtres, disséminés aux quatre coins du monde, via des sociétés-écrans enregistrées dans les paradis fiscaux, les fameux « trusts ». Le procès a aussi exposé au grand jour les rancœurs entre des héritiers que séparent des milliers de kilomètres : Guy Wildenstein vit essentiellement à New York, même si la famille possède un hôtel particulier à Paris ; Alec occupe un somptueux ranch au Kenya qui servit de décor au film Out of Africa ; Liouba Stoupakova, sculptrice russe, a raconté au tribunal, sans vraiment l’émouvoir, les problèmes de chaudière de son vaste immeuble parisien, payé 11 millions d’euros en 2005.

Ce sont les femmes, plus exactement les secondes épouses, qui ont mis les enquêteurs sur la piste des avoirs cachés des Wildenstein. Lorsque meurt, en 2001, le patriarche Daniel Wildenstein, résident fiscal en France, sa veuve en secondes noces Sylvia, aujourd’hui décédée, déclare la guerre au reste du clan et saisit la justice. L’histoire se répète lorsque meurt, en 2008, à Paris le fils aîné Alec : Liouba Stoupakova fournit aux enquêteurs une masse de documents sur les montages financiers très sophistiqués des Wildenstein.

Redressement fiscal de plus d’un demi-milliard d’euros

Le parquet avait requis un an de prison avec sursis contre la veuve rebelle, et six mois avec sursis contre l’héritier Alec Junior. Il a été plus sévère avec les conseillers de la famille : le notaire retraité français Robert Panhard, contre qui deux ans d’emprisonnement avec sursis ont été requis ; l’avocat suisse Peter Altorfer (trois ans de prison, dont deux avec sursis, un million d’euros d’amende) ; l’avocat français Olivier Riffaud (deux ans d’emprisonnement, dont un avec sursis). Le parquet avait aussi requis des amendes maximales pour « complicité de fraude fiscale », 187 500 euros à chaque fois, contre deux « trusts ». L’un est enregistré aux Bahamas, l’autre à Guernesey.

La défense des prévenus a surtout mis en avant l’incertitude juridique qui, selon elle, a longtemps régné en France sur les « trusts ». Il a fallu attendre 2011 pour que la loi dite « Wildenstein » règle précisément la fiscalité de ces sociétés fiduciaires de droit anglo-saxon. L’avocat de Guy Wildenstein, ancien soutien actif de l’UMP, élevé au rang de commandeur de la Légion d’honneur pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, l’a décrit en « éternel petit garçon », héritier naïf de montages financiers mis en place par son père puis son frère aîné, sans qu’il ait lui-même créé de trust. Quelle que soit la décision du tribunal correctionnel, juridiction pénale, elle ne refermera pas le dossier Wildenstein. Dans un contentieux distinct, civil cette fois, les héritiers bataillent encore avec l’administration fiscale française à propos d’un redressement de… plus d’un demi-milliard d’euros.

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