Affaire Borrel : Djibouti impute des « faits illicites » à Paris devant la CIJ

Mardi 22 janvier 2008

21/01/2008 17:48

LA HAYE (AFP) - Affaire Borrel : Djibouti impute des « faits illicites » à Paris devant la CIJ

[Le juge Bernard Borrel, retrouvé mort en 1995 à Djibouti, avec un des ses enfants - © 2008 AFP - ]

Djibouti a imputé lundi des « faits illicites » à la France, qu’elle accuse de violer ses obligations d’entraide judiciaire dans l’enquête sur la mort du magistrat français Bernard Borrel, lors de la première audience devant la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye.

Djibouti reproche « des faits illicites imputables à la France (…) violations (qui) ont grandement déçu Djibouti », a déclaré l’agent de ce pays, l’ambassadeur Siad Mohamed Doualeh, devant les juges et un public dans lequel avait pris place la veuve de Bernard Borrel.

"Je souhaite que la Cour ne donne pas d’injonctions supplémentaires à la justice française de donner des éléments d’enquête à une justice et des personnes qui les utilisent à des fins personnelles", a indiqué à l’AFP Mme Borrel, en marge de l’audience.

A la barre, le diplomate a évoqué le refus de Paris de transmettre à Djibouti, pour sa propre investigation, des éléments de l’enquête française sur ce décès controversé.

Il a espéré que « la Cour parvienne à un jugement qui respecte le cadre des accords de coopération judiciaire », pour « un règlement pacifique du différend », car « les relations entre la France et Djibouti se sont ternies du fait de l’affaire Borrel ».

« Seul un jugement ayant vocation à relater les infractions de la République française au droit international pourra rétablir les bonnes relations », a estimé M. Doualeh.

« Il faut rendre à César ce qui revient à César », a-t-il encore dit, expliquant que l’idée de régler devant la CIJ le différend « est né d’une rencontre entre le président français (de l’époque, Jacques Chirac) et le président djiboutien (Ismaïl Omar Guelleh) afin d’apporter une solution définitive aux tensions » entre la France et son ancienne colonie, où Paris maintient sa plus importante base militaire hors de France.

Le corps à moitié calciné du magistrat avait été découvert en 1995 dans un ravin à Djibouti, où il enquêtait.

« La mort a donné lieu a différentes thèses sur (ses) causes », a indiqué l’agent, évoquant la thèse djiboutienne du suicide, la thèse française de l’assassinat, et des réseaux pédophiles à Djibouti. Il a estimé que le « flou total entoure la mort » de M. Borrel.

La requête de janvier 2006 de Djibouti devant la CIJ, plus haute instance judiciaire des Nations unies, se fonde sur deux traités de coopération et d’entraide judiciaire, signés par les deux pays en 1977 et 1986.

La France, qui n’y était pas obligée, a accepté de se soumettre à la Cour dans ce dossier, mais ne reconnaît sa compétence que pour ce qui concerne la question d’entraide judiciaire.

Djibouti a demandé aux juges de ne pas tenir compte de ces restrictions.

En théorie, la procédure n’empêche pas les plaideurs de tenter d’élargir le débat en posant des questions de procédure ou par le choix d’éventuels témoins.

Djibouti demande également aux juges d’ordonner l’annulation des mandats d’arrêt internationaux contre le procureur de la République Djama Souleiman Ali et contre le chef des services secrets, Hassan Saïd, émis par la France en octobre 2006 dans le cadre des poursuites engagées en 2002 par Elisabeth Borrel, qui accuse Djibouti de faire obstruction à l’enquête.

Djibouti proteste aussi contre la convocation comme témoin du président Guelleh.

Selon Mme Borrel, son mari enquêtait sur des trafics d’armes et des attentats dans lesquels le président Guelleh aurait été impliqué. D’autres pistes, telles que des « produits dangereux » et « l’uranium enrichi », ont été évoqués par son avocat.

Mardi, Djibouti poursuivra son argumentation. Jeudi et vendredi, la France répliquera. Djibouti et la France auront une dernière fois la parole, respectivement lundi 28 et le mardi 29.

© AFP

Publié avec l’aimable autorisation de l’Agence France Presse.

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