Pour un label « sans paradis fiscal »

Mercredi 18 mars 2009

GÉRARD PHILIPPOT

Pour un label « sans paradis fiscal »

[ 17/03/09 ]

Face à la crise actuelle, qui s’alourdit de mois en mois, que faut-il faire ? Prendre des mesures d’urgence est nécessaire mais manifestement insuffisant. « Refonder le capitalisme » est un programme ambitieux qui promet de délicates mises en œuvre. Fort judicieusement, les principaux dirigeants européens ont affirmé, le 22 février à Berlin, qu’il convient d’adopter très vite quelques mesures précises s’attaquant à la racine du mal, c’est-à-dire au manque de confiance du public face à l’immoralité cynique de certains hauts financiers. Les paradis fiscaux viennent en tête de liste.

Leur existence même est une source de perversité. Dans bien des grands groupes internationaux, des armées de juristes, de conseillers, de financiers, tous bien rémunérés, conseillent les directions générales sur « l’optimisation fiscale ». Celle-ci est d’abord recherchée au profit de la société, puis au bénéfice du dirigeant, puis, de proche en proche, étendue aux cadres supérieurs. Peu à peu s’installe ainsi un climat délétère, on perd de vue l’intérêt économique réel de l’entreprise et de ses clients. Chacun tire la couverture à lui.

On arrive, dans quelques cas, à des scandales absolus. Le coup de semonce reçu il y a quelques années avec Enron (qui disposait de 600 filiales et sous-filiales dans les îles Vierges pour optimiser au mieux ses finances) a été mal pris en compte. Le Congrès américain a réagi en votant la loi Sarbanes-Oxley. Ce type de réaction ne résout rien : la multiplication des contrôles ne gêne que les petits fraudeurs… et les bons citoyens. Les gros poissons savent échapper aux contrôles formels. Ce qu’il faut changer, c’est l’état d’esprit.

Nous proposons de créer un label SPF : « sans paradis fiscal ». Ce label serait accordé aux sociétés qui déclarent solennellement que leurs comptes consolidés ne comportent aucune filiale dans les paradis fiscaux et qu’ils ne font pas de commerce avec ces pays. Les commissaires aux comptes, aujourd’hui partie prenante dans la mise au point de certains montages, seraient chargés dans leur contrôle d’attester la véracité de l’affirmation.

La crise actuelle semble une bonne occasion pour lancer un tel label. Après les turpitudes des bonus accordés même aux mauvais gestionnaires, des contrôles internes clairement défaillants, du manque de traçabilité des produits toxiques, quel président d’entreprise osera dire devant des caméras de télévision : « Je veux continuer à travailler avec les paradis fiscaux » ?

Sans attendre une loi, ce label pourrait être rapidement lancé, appuyé par un texte réglementaire, et assorti de sanctions pour les cadres dirigeants et les auditeurs en cas de défaillances. Ce label deviendrait, pour les banques, un excellent argument pour vendre des produits financiers auprès du public. Beaucoup d’hommes et de femmes sont en colère quand ils constatent que leurs « conseillers financiers personnels » les ont rendus complices et victimes de produits toxiques dont les racines plongent dans une boue malodorante.

Cette idée est facile à expérimenter. Elle est simple à comprendre. Il n’est nul besoin de la mettre en place d’un seul coup au niveau mondial ou même européen. La prochaine réunion du G20, à Londres, proclamera de bonnes intentions mais des décisions unanimes seront difficiles à prendre. Dans la pratique, la France pourrait donner l’exemple. On verra rapidement si l’idée se répand, si elle fait tache d’huile à l’étranger (elle devrait plaire aux Allemands) ou si elle fait un four. Dans le premier cas, il serait facile de surenchérir et de créer alors un label « full SPF », réservé aux entreprises qui privilégient systématiquement dans leurs relations d’affaires celles qui ont un label SPF. Pour peu que les contrôleurs fiscaux se mettent de la partie et ciblent, de façon privilégiée, les entreprises s’étant dispensées du label SPF… le succès ne devrait pas tarder.

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