Mercenariat nationaliste

Dimanche 18 juin 2017

Mercenariat nationaliste

Salves :

Une dizaine de « sociétés de sécurité », proches du DPS, confèrent à cette cohorte une image typée. * Nicolas Courcelle, frère de Bernard, dirige depuis 1987 la société de mercenariat Groupe Onze. Il fut au préalable légionnaire parachutiste, responsable départemental du FN Jeunesse, garde du corps du marchand de canons Akram Ojjeh. En lien avec l’ami François-Xavier Sidos, cadre du FN et lieutenant de Bob Denard, Nicolas Courcelle est cité fin 1996 comme l’un des recruteurs de mercenaires d’extrême-droite pour Mobutu - sur commande du réseau Foccart et de l’Élysée 1.

Cette soudaine notoriété a conduit à changer en France le nom du Groupe Onze, devenu ILS (International Logistic Security). * Entre-temps s’est installé aux USA le Groupe Onze International (GOI), dirigé par un ancien ( ?) agent de la DGSE, Thierry Rouffaud. Des « bouffeurs de Yankees » aux États-Unis, comment est-ce possible ? Le groupe opère notamment en Angola où, malgré leur antagonisme, Français et Américains entrelacés exploitent et protègent le même océan d’or noir. * Correspondant de GOI en Angola, l’ex-commandant d’infanterie de marine Jean-Pierre Chabrut dirigeait à Luanda la Société internationale d’assistance (SIA). C’est à la SIA, épaulée par Nicolas Courcelle, qu’Elf a confié la sécurité de ses agents en Angola de 1995 à 1999. Sacré travail, au milieu d’une guerre civile dont Elf finance les deux parties… (cf. À fleur de presse).

Sans transition, Jean-Pierre Chabrut a remplacé Bernard Courcelle à la tête du DPS. Tandis que la direction du DPA était confiée à un vétéran des manifestations néo-nazies, Gérard Le Vert. * Le beau-frère des deux Courcelle, Christian Bègue, fait partie de la bande à Denard. Il fut "Lieutenant Étienne" aux Comores. Il a fondé Bègue Consultants Limited (BCL). * Gilles Soulas et Gilles Serreau sont les fondateurs et copropriétaires des sociétés de mercenariat Ambassy et Ambassy Conseil. Mais aussi de deux entreprises pivots de la propagande néo-nazie en France, la société de diffusion SEDE et la librairie l’Æncre. Cadre du FN puis du MN, Soulas joue dans cette mouvance un rôle majeur d’organisateur et d’idéologue (concerts, affichage, télématique). Il dirigeait le DPS en Île-de-France, selon Bernard Courcelle. Mais aussi la revue de l’association caritative lepéniste Entraide nationale. Le DPS a recruté des hommes (1. Cf. F.X. Verschave, La Françafrique, Stock, 1998, p. 268-270). de main chez les déshérités bénéficiaires de cette entraide…

Autre associée d’Ambassy : Laurence Magnol, de l’Église de scientologie.

* Toujours dans la galaxie DPS, un ancien de l’OAS, Gonzague du Cheyron du Pavillon, a créé la société de mercenariat OGS (Organisation Gestion Sélection). [Celle-ci assura entre autres la sécurité du chantier de Total en Birmanie - dans un contexte de travail forcé qui évoque l’Afrique coloniale. * Ex-officier de gendarmerie (camarade de promotion de Christian Prouteau), ancien responsable du service Action de la DGSE, Jean-Louis Chanas a fondé la société de mercenariat Éric SA - qui recrute essentiellement parmi les anciens légionnaires du 2e REP et les parachutistes du 17 e RGP.

Chanas a prospéré dans la surveillance de champs pétroliers. Investi en quantité d’entreprises, il fut aussi le PDG de la société protéiforme ARC Consultants - mêlée à l’affaire des Mistral pour le régime sud-africain d’apartheid, via le Congo de Sassou Nguesso.

Il fut encore administrateur du fameux Fondo sociale di cooperazione europea. Cette "banque de l’ombre« , qui jonglait entre Milan, Paris et les paradis fiscaux, aguicha un monde fou - notamment dans la franc-maçonnerie droitière (GLNF, loge P2) et chez les anciens des »services" (cf. Billets n 66). Ce fut aussi le réceptacle de copieuses « rétro-commissions » sur ventes d’armes.

* Aujourd’hui directeur des ressources humaines du FN, Régis Le Poitevin de la Croix Vaubois dirigea l’Agence centrale de services (ACDS), une société de convoyage de fonds appartenant à l’ancien leader de l’OAS Pierre Morel. Victime d’une terrible malchance (un taux de braquage exceptionnel), cette société est en liquidation judiciaire. * Le rapport de la commission d’enquête évoque également la société Normandy, de Philippe et Axel Loustau, et la Société de prestations de gardiennage et de maintenance, du responsable du DPS en Val-de-Marne, Jean Marquette.

En 1993, Bernard Courcelle initie un « contrat de sécurité » entre le Groupe Onze et le président tchétchène Doudaïev. Depuis le siège du Front national, à Saint-Cloud, il recrute des mercenaires pour la Tchétchénie, et s’entremet en 1996 dans un vaste projet de livraison d’armes. L’affaire donne lieu au détournement d’un million de marks, via une banque croate. En février 1998, lors d’une perquisition, on retrouve un chèque du même montant, tiré sur le même banque, chez le fondateur du FN Police, Frédéric Jamet. Ainsi que 120 kg de tolite, un explosif à usage militaire. Aux demandes d’explication de la justice, Jamet oppose le Secret Défense.

Bref, on trouve de tout à portée de main du DPS, où s’est recyclée une partie des « services » français : trafic d’armes, groupes de choc, moyens sophistiqués de surveillance, pompes à fric et comptes offshore. Avec le parrainage d’Elf et Total. Au service affiché d’une idéologie raciste.

Tant de moyens de « sécurité » permettent bien sûr au DPS-DPA de « loger » les opposants du Front national, voire de les intimider. Une liste d’environ 2 000 « cibles » a été établie.

On ne comprend pas comment cela a pu et peut encore être toléré dans une démocratie.

Extrait de Billets d’Afrique et d’Ailleurs N°74 - Octobre 1999 -

Billets d’Afrique et d’Ailleurs est la revue mensuelle éditée par Survie.

Publié avec l’aimable autorisation de l’Association Survie.

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