Mafias et mondialisation : à qui profite le crime ?

Mardi 2 avril 2013

Mafias et mondialisation : à qui profite le crime ?

Enquête | La mondialisation est une aubaine pour les mafias. Délaissant les gâchettes, des criminels en col blanc ont infiltré le monde de la finance. Enquête.

Le 30/03/2013 à 00h00

Juliette Cerf - Télérama n° 3298

[…] Nous voilà en effet au cœur de l’une des plus grosses affaires de blanchiment d’argent, rendue publique dans une indifférence presque générale.

Entre 2004 et 2007, la banque américaine Wachovia a blanchi 378 milliards de dollars (le tiers du PIB mexicain), issus du trafic de cocaïne du cartel de Sinaloa, et ayant transité par les bureaux de change (casas de cambio) mexicains. Pour échapper au procès, la banque s’acquitta de 160 millions de dollars, transaction pénale propre au droit des affaires… Même scénario, quasiment, avec une filiale mexicaine de la banque britannique HSBC.

En passant de la gâchette au guichet, l’« argent du sang », comme l’appelle Ed Vulliamy, a juste changé de couleur. Il est devenu gris. A l’instar du Mexique, les « territoires dévorés par le feu, les cris ou le sang ne sont que les premiers cercles de l’Enfer », décrit l’historien du droit Jacques de Saint Victor, s’inspirant de la structure de l’Enfer conçue par Dante dans La ­Divine Comédie. « Le neuvième et dernier cercle de l’Enfer, là même où se terre Lucifer, est un immense lac gelé, balayé par un vent glacial, à l’image de ces froids buildings de verre des grandes métropoles ­financières. Le poète nous enseigne que le mal radical est non pas violent et sanguinaire, mais froid et calculateur. »

Tel est l’empire d’une certaine criminalité en col blanc, ces banksters (1) aux ­costumes bien plus propres et ­respectables que les mafiosi aux mains sanguinolentes… Selon Saint Victor, la question ­mafieuse ne peut vraiment plus se limiter au champ de l’histoire criminelle : elle relève de l’histoire de la démocratie et du capitalisme. « Je ne pense pas, cela dit, que le phénomène mafieux soit consubstantiel à la nature de la démocratie, et pas davantage à celle du capitalisme, mais qu’il se trouve, hélas, le mieux à même de tirer profit des faiblesses de l’une et de l’autre, surtout en période de crise », précise-t-il dans Un pouvoir invisible. Les mafias et la société démocratique. XIXe-XXIe siècle.

[…] Pour souligner à quel point les mafias sont devenues un acteur géopolitique à part entière, il n’hésite d’ailleurs pas à parler de « G 9 » du crime organisé, véritable aristocratie du crime, en référence au club qui réunit les pays les plus industrialisés de la planète… Belle tablée en effet, dominée par l’Italie : Cosa Nostra de Sicile, ’Ndrangheta calabraise, Camorra de Naples et de Campanie, Sacra Corona Unita des Pouilles (ces quatre mafias italiennes ont un « PIB » cumulé supérieur à ceux de la Croatie et de la Hongrie), mafia albanaise, Maffya turque, triades chinoises, yakuzas japonais, Cosa Nostra américaine.

A bien des égards, la mondialisation a été propice au crime. Elle a facilité son expansion. Les mécanismes de la globalisation (dérégulation, dépassement de l’Etat, secret des affaires, pratique des comptes offshore et des paradis fiscaux, nouvelles technologies, etc.) ont aidé les mafias traditionnelles à infiltrer les réseaux licites. Sur le plan historique, la chute du mur de Berlin et le démantèlement de l’URSS ont très concrètement fourni de nouveaux territoires aux organisations criminelles, dopées dans leurs activités par l’ouverture des frontières et des marchés. Lire la suite sur le site du magazine Télérama.

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