Les « biens mal acquis » en filigrane de la visite de Sassou Nguesso en France

Lundi 8 avril 2013

Monde

Les « biens mal acquis » en filigrane de la visite de Sassou Nguesso en France

8 avril 2013 à 21:12

Par AFP

Le président congolais Denis Sassou Nguesso a dénié lundi à la justice française le droit d’enquêter sur son patrimoine en France, au premier jour d’une visite contestée par des opposants et militants anti-corruption indignés par l’accueil officiel qui lui est réservé.

Le dossier des « biens mal acquis » a été « très rapidement évoqué » lors d’un entretien dans la matinée à l’Elysée entre François Hollande et son homologue congolais, a dit M. Sassou Nguesso, interrogé dans la soirée sur la chaîne de télévision France 24.

A sa sortie de l’Elysée, il avait déclaré qu’il refusait à la justice française « le droit » d’enquêter sur les « biens mal acquis », estimant qu’il s’agit d’une entorse au principe de « non-ingérence ».

L’enquête française sur les « biens mal acquis » vise les conditions dans lesquelles trois chefs d’Etat africains, Denis Sassou Nguesso mais aussi Teodoro Obiang Nguema (Guinée équatoriale), le défunt Omar Bongo (Gabon) et leur entourage auraient acquis, grâce à des deniers publics, un important patrimoine mobilier et immobilier en France.

Le chef de l’Etat congolais a dénoncé le « harcèlement des médias » à ce propos mais « cela ne nous retire pas le sommeil », a-t-il dit sur France 24.

Mais pour Me William Bourdon, avocat de l’ONG Transparency France, « M. Sassou Nguesso ne peut invoquer la souveraineté pour se mettre à l’abri de tous les crimes, que ce soient les crimes de sang ou les crimes en col blanc ».

Les ONG Sherpa, dirigée par Me Bourdon, et Transparency France sont à l’origine de la plainte qui a déclenché l’enquête de deux juges parisiens sur les « biens mal acquis ».

« Caricature de cleptocratie »

M. Sassou Nguesso « incarne aujourd’hui une caricature de cleptocratie, celle d’un chef d’Etat riche à la tête d’un pays pauvre. (…) Mais le droit et l’histoire ne sont plus ses amis depuis longtemps », a déclaré Me Bourdon.

Le chef de l’Etat congolais a été reçu pendant plus d’une heure par François Hollande, qui l’a toutefois fraîchement accueilli, avec une poignée de main brève et en s’abstenant de le rejoindre au bas du perron.

Lors de leur entretien, les crises en Centrafrique et en République démocratique du Congo ont été abordées, selon un communiqué de l’Elysée, qui n’évoque pas les « biens mal acquis ».

Le président français a aussi « remercié son homologue congolais pour le soutien politique et logistique apporté aux forces africaines et à la France dans le cadre de l’opération de libération du nord du Mali ».

Lors de sa précédente visite en France, le 8 février 2012, Denis Sassou Nguesso avait également été reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy. La gauche, alors dans l’opposition, avait été très critique.

Lundi, des opposants congolais en exil en France et des ONG ont dénoncé le revirement des socialistes. Quelques dizaines de Congolais ont protesté, près de l’Elysée, contre l’accueil réservé à une « figure emblématique de la Françafrique ».

Pour l’ONG Survie qui condamne « la légitimation du régime congolais par le gouvernement socialiste », « la France continue par l’entremise de son président et de son ministre des Affaires étrangères à consolider ses intérêts économiques en Afrique au détriment de ceux des peuples africains ».

Le président congolais a déjeuné lundi avec Laurent Fabius pour parler d’économie, avant de voir les ministres de l’Intérieur Manuel Valls et de la Défense Jean-Yves Le Drian.

Mardi, il doit rencontrer une délégation du Medef, principale organisation patronale française, ainsi que Vincent Bolloré, PDG du groupe Bolloré, et Christophe de Margerie, PDG du groupe pétrolier Total. Bolloré vient de rénover le port congolais de Pointe Noire et le Congo vend 62% de sa production pétrolière à Total.

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