L’argent du PR revient cher à Donnedieu

Jeudi 24 mai 2007

Libération, 13 juin 2002

Par Renaud LECADRE

L’argent du PR revient cher à Donnedieu

La Cour de cassation a rejeté sa demande d’annulation de mise en examen.

Donnedieu lui-même, par sa demande d’annulation de la procédure, a redonné une soudaine actualité à cette vieille affaire. Renaud Donnedieu de Vabres est désormais face à la justice. Hier (12 juin 2002), la Cour de cassation a rejeté sa demande d’annulation des actes de procédure ayant contribué à sa mise en examen pour blanchiment, en août 1998, dans une affaire de financement du Parti républicain (PR, rebaptisé Démocratie libérale depuis sa reprise en main par Alain Madelin). Les vices de forme désormais écartés, l’actuel ministre délégué aux Affaires européennes - en situation instable - devrait être renvoyé prochainement en correctionnelle. Compte tenu de l’encombrement des tribunaux, le procès pourrait avoir lieu au premier semestre 2003.

Nommé au gouvernement sans que Matignon ni l’Elysée ne se soient inquiétés outre mesure de la procédure judiciaire le concernant, alors qu’il suffisait de lire les journaux, « RDV » est devenu malgré lui un cas d’école : peut-on à la fois être ministre et mis en examen ? Depuis Bérégovoy et Balladur, les précédents Premiers ministres avaient tranché négativement et définitivement, pensait-on. Pour sa part, le gouvernement Raffarin a jusqu’ici officiellement botté en touche en insistant sur la présomption d’innocence, mais surtout en priant pour que la Cour de cassation annule la procédure. Raté. Hier, le ministre (RPR) de la Justice, Dominique Perben, a tenté de donner le change au micro de BFM : « La justice a tranché sur la forme, pas sur le fond. C’est la fin du petit jeu consistant à détruire un ministre malgré la présomption d’innocence. » C’est pourtant Donnedieu lui-même, par sa demande d’annulation de la procédure - il est le seul des nombreux mis en examen dans l’affaire à se défendre jusqu’au bout sur des questions de forme -, qui a redonné une soudaine actualité à cette vieille affaire.

Financement bidon. Renaud Donnedieu de Vabres (en ballottage plutôt favorable dans la 1re circonscription d’Indre-et-Loire, dont il est le député sortant) est mis en cause en tant que fidèle bras droit de François Léotard, au PR comme au ministère de la Défense, sous le gouvernement Balladur. Avec le retrait politique de Léotard et sa propre promotion ministérielle, il apparaît en première ligne dans l’affaire du Fondo Sociale di Cooperazione Europea (FSCE), une sulfureuse banque franco-italienne qui avait mis en place un financement bidon au profit du PR, en juin 1996 : contre la remise de 5 millions de francs en espèces, le Fondo avait débloqué un prêt bancaire du même montant. Ce genre de « prêt adossé » est typique d’une opération de blanchiment : seul le volet bancaire (d’apparence légale) est déclaré, la contrepartie (du cash d’origine douteuse) n’apparaissant jamais. En fin de parcours, soit l’emprunteur rembourse le prêt pour récupérer son dépôt en espèces, soit le banquier se rembourse sur le dépôt qui est alors blanchi.

« RDV », en charge des espèces du parti, avait lui-même déposé une valise bourrée de billets de 500 francs dans les locaux du Fondo, puis rédigé une attestation selon laquelle ces 5 millions en liquide provenaient des « liquidités du PR ». Les anciens responsables du parti mis en examen pour blanchiment (Léotard, Donnedieu, Pierre-Henri de Menthon et Serge Hauchart) insistent beaucoup là-dessus : cet argent serait un reliquat de fonds secrets dont ont bénéficié différents ministres PR, et non pas le fruit de commissions versées dans le cadre d’un méga-contrat d’armement avec l’Arabie Saoudite négocié à l’époque par le ministère de la Défense. L’attestation de Donnedieu précise aussi : « Ce prêt ne donnera lieu à aucune rémunération. » En clair, il s’agit d’un prêt bidon.

« Délit primaire ». « M. Donnedieu de Vabres est déjà passé à l’étape suivante, soulignait hier son avocate, Me Claire Waquet, avec une demande de non-lieu auprès du juge d’instruction. » Si une telle issue n’est pas la plus probable, les mis en examen espèrent une relaxe à l’issue du procès. En effet, pour admettre la qualification de blanchiment, la justice doit au préalable établir un « délit primaire », source d’argent sale qu’il s’agira ensuite de blanchir. En l’occurrence, les juges chargées de l’affaire, Laurence Vichnievsky et Eva Joly, confortées sur ce point par un arrêt de la chambre de l’instruction, ont retenu pour seul délit primaire une « infraction à la législation sur le financement des partis politiques » : le PR n’aurait pas le droit de détenir des espèces non déclarées, fussent-elles issues des fonds secrets gouvernementaux. Dès lors, le tribunal devra plancher sur cette passionnante question : les fonds secrets sont-ils de l’argent sale ? Jacques Chirac, grand utilisateur pour ses dépenses personnelles, sera très intéressé.

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Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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