Panama. Paradis fiscal

Jeudi 14 avril 2016

Panama. Paradis fiscal

Paris Match|Publié le 14/04/2016 à 06h30 |Mis à jour le 14/04/2016 à 06h36

Ramon Fonseca rêve du Prix Nobel de littérature, mais le monde ne connaît de son œuvre que les statuts de 200 000 sociétés offshore

Tous ceux qui, à Panama City, ont approché Ramon Fonseca ont été frappés par son ambition ­assumée de passer un jour à la postérité. Non pas comme l’un des plus puissants avocats d’affaires du pays, cofondateur du cabinet Mossack Fonseca, malversations en tout genre, ni même comme homme politique, ­patron du Parti panamiste, le parti nationaliste au pouvoir, et éminence grise du président en exercice… Non, si Ramon Fonseca, avant de devenir l’un des deux vilains du scandale des « Panama Papers », aspirait à la gloire, c’était plutôt comme écrivain. L’auteur argentin Christian ­Kupchik se souvient encore de sa sidération lorsque, il y a quelques années, il partagea une langouste thermidor avec celui qui revendiquait une demi-douzaine de livres publiés, passés largement inaperçus. Entre deux verres de vin chilien, l’avocat bouffi de vanité lui confia sa frustration : « Tout ce que j’ai fait dans ma vie a été couronné de succès. Le futur de ma descendance est assuré sur plusieurs générations. Et pourtant j’ambitionne autre chose. » Et, devant l’étonnement de son interlocuteur, de préciser : « Je veux être Garcia Marquez. Ou plutôt, je ne veux pas être lui mais Prix Nobel. Tout le reste, je l’ai. Il me manque la transcendance. » Ramon Fonseca peut aujourd’hui savourer ce ­privilège rare d’être entré dans l’Histoire de son vivant. Le 3 avril 2016, il s’est imposé au monde comme un auteur majeur. Son œuvre : les statuts de plus de 200 000 entreprises offshore créées pour receler les butins volés par d’illustres despotes, de Marcos à Duvalier en passant par Pinochet, Kadhafi ou El-Assad, et ­dissimuler les fortunes accumulées par des mafieux, des politiciens, des terroristes, des banquiers ou des sportifs avides d’optimisation fiscale. Bref, au « réalisme magique » de « Gabo », son idole, Fonseca a substitué le réalisme cynique.

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Ramon Fonseca eût été plus avisé d’écrire la fiction qu’est sa vie. L’avocat rappelle souvent sa résistance aux dictatures des généraux Torrijos et Noriega. En vérité, c’est sous leur férule qu’il a fondé, il y a près de quarante ans, son premier cabinet d’avocats, bientôt fusionné avec celui de Jürgen Mossack, fils d’un ancien officier de la Waffen-SS émigré au Panama. « Ces deux-là se sont naturellement trouvés, explique Miguel Antonio Bernal, avocat, professeur de droit constitutionnel et l’une des rares voix affranchies de Panama City. Lire la suite.

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