Fraude fiscale de haut vol et guerres d’héritiers : décision jeudi pour les Wildenstein

Mercredi 11 janvier 2017

Fraude fiscale de haut vol et guerres d’héritiers : décision jeudi pour les Wildenstein

Par Aurélia END Publié le 10/01/2017 à 16:00 - Mis à jour le 10/01/2017 à 16:50

C’est pour le parquet la fraude fiscale « la plus sophistiquée et la plus longue » de l’histoire récente en France : les héritiers de la famille de marchands d’art Wildenstein et leurs conseillers sauront jeudi quel sort leur réserve la justice.

Paris, 10 jan 2017 (AFP) -

Au terme d’un procès qui a ressemblé tantôt à un mauvais feuilleton familial, tantôt à un séminaire de haute finance, le procureur avait requis le 13 octobre quatre ans de prison dont deux avec sursis et une colossale amende de 250 millions d’euros contre le Franco-Américain Guy Wildenstein, le principal héritier.

« C’est une honte », avait-il tonné à l’intention des six prévenus - trois héritiers de la famille, deux avocats et un notaire - et des deux sociétés financières poursuivies.

Après la condamnation de l’ancien ministre Jérôme Cahuzac à trois ans de prison ferme, le procès des Wildenstein est un autre enjeu de taille pour le tout jeune Parquet national financier, créé en 2013 pour lutter contre la délinquance financière de haut vol.

Dans cette affaire de fraude et de blanchiment, il est reproché aux Wildenstein, ces "impressionnistes de la finance" selon le parquet, d’avoir dissimulé au fisc français l’essentiel d’une fortune évaluée à plusieurs milliards d’euros, en immobilier de prestige et tableaux de maître, à l’occasion de successions en 2001 et 2008.

  • « Impressionnistes de la finance » -

Contre les deux autres héritiers poursuivis - Alec Junior, neveu de Guy habitant un somptueux ranch familial au Kenya ; et Liouba Stoupakova, veuve d’un héritier défunt, en guerre ouverte avec le reste du clan - l’accusation a requis respectivement six mois et un an de prison avec sursis.

Mme Stoupakova, sculpteur russe, est l’une des veuves en secondes noces par lesquelles le scandale est arrivé. S’estimant lésée par la gestion très patriarcale de la fortune des Wildenstein, comme une autre épouse depuis décédée, elle a livré bon nombre d’informations à la justice.

Le parquet a été plus sévère encore avec les conseillers de la famille : le notaire retraité français Robert Panhard, contre qui deux ans d’emprisonnement avec sursis ont été requis ; l’avocat suisse Peter Altorfer (trois ans de prison dont deux avec sursis et un million d’euros d’amende) ; l’avocat français Olivier Riffaud (deux ans d’emprisonnement dont un avec sursis).

Le parquet a aussi requis des amendes maximales pour « complicité de fraude fiscale », soit 187.500 euros à chaque fois, contre deux sociétés-écran ou « trusts » gérant les actifs des Wildenstein. L’une est enregistrée aux Bahamas, l’autre dans l’île anglo-normande de Guernesey.

Au-delà des frasques de quelques héritiers richissimes, le délibéré du tribunal correctionnel de Paris sera donc aussi suivi de près par les professionnels du droit et de la finance, jusque dans les paradis fiscaux.

  • Guy Wildenstein, « éternel petit garçon » -

Les quatre semaines d’audience, alourdies par l’abondance de termes techniques et ralenties par le recours constant à des interprètes en russe, anglais ou suisse allemand, n’ont pas vraiment permis de cerner la fortune des Wildenstein.

Il a par exemple fallu plusieurs heures au tribunal pour comprendre à qui appartenait, combien valait, et où se trouvait une toile de très grande valeur du Caravage.

Pour sa défense, Guy Wildenstein a assuré qu’il ne comprenait pas grand-chose à des montages mis en place par son défunt père, qu’à l’audience il a plusieurs fois appelé « papa », et son frère aîné.

Ce petit homme bien mis, ancien soutien actif de l’UMP, élevé au rang de commandeur de la Légion d’honneur pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, s’est aussi retranché derrière sa culture financière anglo-saxonne, ainsi que sur le flou ayant entouré les « trusts » en droit français jusqu’en 2011.

Son avocat Me Hervé Temime ne s’est pas contenté de défendre cet « éternel petit garçon » milliardaire, il a aussi plaidé avec véhémence pour l’honneur de sa propre profession, malmené lors de l’enquête par des perquisitions dans des cabinets d’avocats, des saisies et une garde à vue.

« C’est délirant, c’est dément, moi ça me tue ! », avait lancé l’avocat en finissant sa plaidoirie.

© 2017 AFP

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