Société générale paie près d’1 milliard d’euros pour régler un différend avec la Libye

Jeudi 4 mai 2017

Société générale paie près d’1 milliard d’euros pour régler un différend avec la Libye

REUTERS 04/05/2017 | 11:07

Société générale a annoncé jeudi avoir accepté de payer 963 millions d’euros à la Libyan investment authority (LIA) pour mettre fin à des litiges concernant des transactions financières datant de 2007-2009 et pour lesquels devait s’ouvrir le même jour à Londres un procès.

« Nous évitons un long procès, qui aurait demandé beaucoup de ressources, beaucoup d’énergie et à l’issue au total incertaine », a expliqué lors d’une conférence de presse téléphonique le directeur général de la banque française, qui a officiellement présenté ses excuses à la Libye.

Socgen a regretté « le manque de prudence » de certains de ses collaborateurs et dit espérer que le pays, en proie à des conflits internes depuis la chute du dirigeant Mouammar Kadhafi, pourrait rapidement surmonter ses difficultés.

« En mettant ce litige derrière nous, nous allons pouvoir concentrer notre énergie », a ajouté Frédéric Oudéa, évoquant notamment le nouveau plan stratégique attendu fin novembre.

Le fonds souverain libyen, qui a déjà poursuivi, mais sans succès, la banque américaine Goldman Sachs, réclamait un dédommagement de 2,1 milliards de dollars pour des transactions soupçonnées d’être entachées par des pots-de-vin versés à la société d’un intermédiaire lié à la famille Kadhafi.

La reconnaissance de sa responsabilité dans le dossier libyen est un nouveau coup dur pour Société générale, critiquée l’année durant les révélations sur les « Panama papers » et dont l’image continue de souffrir, près de dix ans après, du scandale lié à son ancien courtier Jérôme Kerviel.

« PROBLÈMES RÉCURRENTS EN MATIÈRE DE RÉPUTATION »

« Même si on peut saluer la volonté de Socgen de régler rapidement l’affaire libyenne, force est de constater que cette annonce nous rappelle qu’elle est la seule à ne pas parvenir à résoudre ses problèmes récurrents en matière de réputation. Ce qui n’aide pas la prime de risque de la banque », soulignent les analystes de Kepler Cheuvreux.

Société générale doit encore solder son contentieux avec les autorités américaines sur des violations d’embargo même si l’amende est attendue à un niveau beaucoup plus bas que les 8,9 milliards de dollars payés en 2014 par BNP Paribas.

« Cela prendra encore au minimum quelques mois », a estimé Frédéric Oudéa, qui a dit souhaiter vivement tourner la page des litiges liés à la crise financière.

Au niveau comptable, le règlement à l’amiable avec la LIA a plombé les résultats du premier trimestre de la banque, qui a passé une provision de 350 millions d’euros et manqué, du coup, les attentes des investisseurs.

La banque de la Défense a enregistré un résultat net part du groupe en baisse de 19,2% à 747 millions d’euros alors que le consensus Reuters/Inquiry Financial s’établissait à 975 millions d’euros, les analystes interrogés en amont des résultats n’étant pas informés de la provision passée pour couvrir le règlement à l’amiable avec le fonds souverain libyen.

Avec un repli de 0,74% à 51,02 euros à 11h00, l’action Société générale accusait jeudi matin l’une des rares baisses de l’indice CAC 40 (+0,66%) et de l’indice bancaire de la zone euro (0,95%).

Un analyste interrogé par Reuters avant-Bourse, confiait toutefois s’attendre à une baisse modérée du titre malgré la provision, notant la qualité des résultats, notamment sur le coût du risque.

EFFET « TRUMP TRADE » SUR LES ACTIVITÉS DE MARCHÉ

Les fonds mis de côté pour des crédits risquant de ne pas être remboursés ont poursuivi leur baisse durant les trois premiers mois de l’année et se situent, à 24 points de base, a pratiquement la moitié de leur niveau de la même période l’année dernière.

Les revenus de la banque ont progressé de 4,8% à 6,474 milliards d’euros, grâce notamment aux activités de marché, dynamisées par le « Trump trade », cette hausse du marché obligataire, du dollar et de la Bourse, qui a suivi l’élection du président américain à la Maison Blanche.

A l’instar des performances de ses concurrents à Wall Street ou en Europe, Socgen a vu notamment ses ventes progresser de 12,8% dans le trading obligataire, les changes et les matières premières et de 4,8% pour les produits actions.

BNP Paribas, qui a annoncé ses résultats la veille, a fait part de résultats encore plus dynamiques sur ses activités de marché.

La division qui regroupe la banque de détail à l’international, les assurances et les services financiers spécialisés a vu sa contribution au produit net bancaire progresser de 8,4% à 1,978 milliards d’euros et son résultat net passer de 300 à 433 millions d’euros. .

Ce pôle contrôle notamment le gestionnaire de flottes de véhicules ALD qui doit être introduit en Bourse avant la fin du semestre et dont la valorisation pourrait, selon des sources industrielles précédemment interrogées par Reuters, largement dépasser six milliards d’euros.

Banque de détail et services financiers internationaux constituent un pôle de diversification et de profits important pour Société générale alors que la banque de détail en France souffre de la persistance de taux d’intérêt historiquement bas et d’une concurrence de plus en plus dure.

Les revenus y ont baissé de 1,3% à 2,056 milliards d’euros et le résultat net de 2,7% à 319 millions d’euros.

Confrontée comme ses pairs à la montée en puissance des banques en ligne et de leurs tarifs avantageux, Société générale a lancé un vaste effort pour repenser la relation-client tout en réduisant de 20% le réseau de ses agences, de plus en plus délaissées par les consommateurs.

La publication des résultats du premier trimestre et du règlement de son litige avec la LIA intervient à un moment délicat pour les banques françaises, quatre jours avant le second tour d’une élection présidentielle identifiée comme un risque politique majeur par les investisseurs internationaux.

« Nous sommes bien équipés pour éviter les turbulences », a assuré Frédéric Oudéa alors que les marchés semblent désormais écarter le scénario d’une victoire de Marine Le Pen et donc d’une sortie de la France de la zone euro, aux effets dévastateurs pour le secteur financier.

(Julien Ponthus, édité par Jean-Michel Bélot)

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