Quand un espion raconte…

Samedi 17 juin 2017

Quand un espion raconte…

Jean Guisnel Publié le 05/01/2001 à 17:01 | Modifié le 22/01/2007 à 17:01 Le Point

Extrait de l’article :

La mort de Louis Delamare

Le Moyen-Orient demeure un foyer sans cesse embrasé. L’assassinat de l’ambassadeur Louis Delamare, le 4 septembre 1981 à Beyrouth, nous indigne d’autant plus que nous en identifions vite le commanditaire. Le coup vient de Hafez el-Assad en personne, qui a agi par l’intermédiaire du général commandant les services de renseignements syriens au Liban.

D’ailleurs, l’assassinat s’est déroulé à moins de deux cents mètres d’un barrage syrien et ses auteurs n’ont pas été interceptés. […]

Or les chrysanthèmes n’ont pas fleuri trois fois sur la tombe du représentant de la France que des Français accourent à Damas pour serrer la main du meurtrier. Ce sont des hommes d’Elf en quête de trous à forer et des membres du lobby militaro-industriel envoyés par Charles Hernu.

L’ingénieur général R. se rend dans la capitale syrienne du 5 au 7 novembre 1984 ; il y rencontre le ministre de la Défense Tlass. Son rapport décrit les Syriens comme « agréablement surpris » de l’empressement français. « Il faut souligner la chaleur, peut-être teintée d’une légère incrédulité, avec laquelle le général Tlass a répété à l’adresse du ministre français son invitation à se rendre à Damas », observe l’ingénieur général, qui est sans doute un humoriste.

Louis Delamare peut reposer en paix. Il ne porte pas préjudice à la coopération militaire et pétrolière entre les deux pays.

Quand des otages français sont détenus au Liban, le Service parvient à les localiser et fait un excellent travail de renseignement. Le gouvernement nous demande de préparer une opération militaire. Nous montons un scénario que le service Action exécuterait volontiers, mais l’état-major sait que cette opération serait hasardeuse et très sanglante. Nous ne plaidons donc pas pour obtenir le feu vert, mais, contrairement à une thèse qui a été avancée, nous ne sommes pour rien dans le feu rouge. Chirac, alors Premier ministre, se rend compte que l’affaire est par trop périlleuse. On rachète les otages par d’autres canaux que les nôtres. Les Allemands font de même, et c’est sans doute la seule solution réaliste.

Commentaire : La realpolitik n’a jamais fait bon ménage avec les grands sentiments. Bien que la DGSE ait pu démontrer que l’assassinat de Louis Delamare a été décidé à Damas, c’est là que les marchands d’armes et les pétroliers iront chercher des appuis pour réintroduire la France dans la zone d’influence syrienne. Ce qui n’empêchera pas Damas de tenter d’assassiner plus tard l’un des chefs de la DGSE, René Imbot, en sabotant son avion avant son décollage de Damas, où il s’était rendu lui aussi. Seule la dextérité des pilotes d’un avion du GLAM, sans doute aussi la chance, a permis qu’il réchappe de cette opération. Lire la suite.

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