La France et son Conseil constitutionnel favorisent l’évasion fiscale

Mardi 28 novembre 2017

La France et son Conseil constitutionnel favorisent l’évasion fiscale

Denis Dupré, Enseignant-chercheur en éthique, collapsologie et finance, Université de Grenoble-Alpes Publié lundi 27 novembre 2017 à 19:01, modifié lundi 27 novembre 2017 à 19:01.

En France, si les discours officiels sont farouches contre l’évasion fiscale, les pratiques institutionnelles poussent au laisser-faire

En ce qui concerne les particuliers fraudeurs, les régularisations sont discrètement traitées par le gouvernement dans le secret de Bercy. Très discrètement. Juste un exemple à propos de la liste Falciani d’HBSC. Devant la Commission du Sénat sur l’évasion fiscale au printemps 2012, le procureur Eric de Montgolfier s’est étonné de voir que « sa » liste, après son traitement par Bercy, avait drastiquement rapetissé de 8000 à 3000 noms.

Sapin n’a rien demandé à Apple

Pour les grandes entreprises également, les régularisations se traitent dans le secret ; […] Michel Sapin n’a rien souhaité réclamer à Apple, qui s’est vu condamné à verser 13 milliards de dollars à l’Irlande, malgré l’option ouverte par la Commission européenne.

Pour se hisser au deuxième rang mondial de vendeur d’armes, l’utilisation de comptes offshore est devenue une pratique indispensable à la France. Dans ce combat contre l’évasion fiscale, lors des votes de la loi Sapin II, en septembre 2016, les députés français n’ont pas eu le courage d’exiger que les très grandes entreprises publient le chiffre d’affaires de toutes leurs filiales dans tous les pays sans exception.

Atteinte à la liberté d’entreprendre

Le Conseil constitutionnel est également responsable et coupable. Il a su protéger les riches délinquants qui utilisent des trusts pour cacher leur fortune en retoquant la loi pour connaître l’identité des bénéficiaires des trusts. Il a su préserver les entreprises pratiquant l’évasion fiscale par des montages sophistiqués. Fin 2016, le Conseil constitutionnel a repoussé ce qu’il restait d’efficace dans la loi Sapin II. En dépit des sommes colossales en jeu, il s’est ainsi justifié : « Le législateur a entendu, par une mesure de transparence, éviter la délocalisation des bases taxables afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Il a ainsi poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle. Toutefois, l’obligation faite à certaines sociétés de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux correspondant à leur activité pays par pays, est de nature à permettre à l’ensemble des opérateurs qui interviennent sur les marchés où s’exercent ces activités, et en particulier à leurs concurrents, d’identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale. Une telle obligation porte dès lors à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. » Lire la suite.

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