La liste européenne des paradis fiscaux : une vaste plaisanterie

Mardi 5 décembre 2017

La liste européenne des paradis fiscaux : une vaste plaisanterie

Tribune

5 décembre 2017 Par Éric Vernier

Pierre Moscovici nous l’avait annoncée. La voici. Ce mardi 5 décembre 2017, la liste noire européenne des paradis fiscaux est publiée. Pierre Moscovici qui avait découvert l’horreur des paradis fiscaux grâce aux Paradise Papers, avant de se rétracter pour affirmer être au courant depuis longtemps, a promis cette liste pour lutter contre ces territoires opaques.

Ce n’est pas la première liste

Or, ce n’est pas la première liste. Mais depuis plusieurs décennies, les promesses n’ont malheureusement jamais été tenues. En voici quelques exemples  :

La liste du GAFI

La liste du GAFI (Groupe d’Action Financière) ou FATF (Financial Action Task Force), liste des « pays et territoires non coopératifs », devenue liste des « juridictions à haut risque et non coopératives », s’est peu à peu vidée, décrédibilisant totalement cet organisme supranational créé au Sommet de l’Arche à Paris en 1989. L’objet était de pointer du doigt les pays suspects en termes de lutte anti-blanchiment. Au départ, une soixantaine d’États apparaissaient. Mais petit à petit, les noms ont disparu pour ne laisser au final qu’une poignée de pays, pourtant tellement peu stables politiquement que le risque de blanchiment y était très faible. Aujourd’hui encore, seuls onze pays sont concernés : Bosnie-Herzégovine, Éthiopie, Iran, Irak, Corée du Nord, Sri Lanka, Syrie, Trinité-et-Tobago, Tunisie, Vanuatu et Yémen. En fait, des territoires qui s’avèrent absolument sans danger sur le plan du blanchiment et de la fraude fiscale internationale.

La liste de l’OCDE

Il y eut ensuite la fameuse liste de l’OCDE publiée le 3 avril 2009 suite au G20 de 2008 et avant la déclaration le 23 septembre 2009, sur TF1 et France 2, du Président Nicolas Sarkozy : « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé. »

Parce que la liste établie en 2000 ne comptait plus que 3 pays, il était alors nécessaire de l’actualiser. Or, seuls 4 pays apparurent sur la nouvelle liste noire en 2009 ! Le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l’Uruguay, qui disparurent au bout d’une semaine pour laisser une liste totalement vide. À l’époque j’avais affirmé que ces pauvres pays n’étaient même pas considérés comme paradis fiscaux mais qu’ils avaient surtout peu d’alliés dans les grandes puissances pour échapper à l’opprobre. Comble de l’ironie, la Chine apparaissait sur la liste blanche, tout comme la Russie et Jersey. Pire, Macao et Hong-Kong, considérés comme territoires particuliers, ne pouvaient être évalués et demeuraient ainsi hors liste, grâce notamment aux tractations entre la Chine et la France. Une liste grise fut élaborée incluant 38 pays dont Monaco, le Liechtenstein, la Suisse, le Luxembourg et la Belgique, États qui s’étaient engagés à respecter les règles de l’OCDE mais qui ne les avaient pas « substantiellement appliquées » (sic).

En juin 2017, Trinidad-et-Tobago est l’unique pays à figurer sur la liste noire. Le Panama, pourtant au centre du scandale mondial des Panama Papers, figure dans la catégorie des pays qui « respectent largement » (sic) les critères, aux côtés d’Andorre, du Liban, de Vanuatu ou encore de Samoa.

Pascal Saint-Amans, Directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, a quant à lui affirmé avoir des doutes sur le Panama lorsque les Panama Papers éclatèrent et s’interrogeait sur l’Île de Man au moment des Paradise Papers. Je laisse le lecteur goûter ce trait d’humour. Lire la suite.

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