Augusto Pinochet comptait ses morts et ses dollars

Vendredi 25 novembre 2005 — Dernier ajout mercredi 11 juillet 2007

Journal l’Humanité

Rubrique International

Article paru dans l’édition du 25 novembre 2005

Augusto Pinochet comptait ses morts et ses dollars

Monde

Chili.

L’ex-dictateur a été inculpé pour avoir dissimulé 27 millions de dollars sur des fonds secrets.

Le CV judiciaire d’Augusto Pinochet s’est enrichi mercredi d’une ligne supplémentaire : déjà arrêté à quatre reprises en sept ans, notamment pour crimes et violations des droits de l’homme, a été cette fois assigné à résidence par le juge Carlos Cerda qui l’a inculpé pour fraude fiscale dans le cadre de l’affaire des comptes bancaires secrets à l’étranger.

L’ancien dictateur, qui demande une liberté sous caution, a bâti un dispositif complexe pour tenter de dissimuler sa fortune, estimée à 27 millions de dollars et dispatchée dans une centaine de comptes bancaires à l’étranger. Son épouse, Lucia Hiriart, et l’un de ses cinq fils, Marco Antonio, accusés de complicité de fraude fiscale ont déjà été placés en détention en août dernier, avant d’être libérés sous caution.

Pinochet a commencé à tisser la toile de ce réseau financier en 1981 et a donné un coup de collier à la fin de sa dictature en 1990, alors qu’il venait d’être sévèrement battu lors du référendum visant à obtenir la prolongation de son mandat. À l’époque, il conservera malgré tout les fonctions de commandant en chef de l’armée, position lui permettant de réaliser de conséquents versements, notamment à la banque Riggs à Washington, ainsi que dans d’autres établissements financiers à l’étranger.

La mise au jour de ces informations est venue de l’ancien allié américain à l’été 2004.

Aux États-Unis, une commission du Sénat a en effet rendu publique une inspection du bureau du contrôleur de la monnaie, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Cette institution s’est notamment penchée sur la banque Riggs, a constaté l’absence de pièces justifiant les sommes déposées par Pinochet et les transferts douteux entre les États-Unis, l’Espagne, le Royaume-Uni et le Chili, à l’aide de multiples sociétés écran basées dans des paradis fiscaux.

Faux papiers, fausses identités, l’ancien putschiste n’a reculé devant rien pour donner corps à sa petite entreprise d’escroquerie. Cerise sur le gâteau, les fonds déposés n’étaient pas soumis à l’imposition, Pinochet raflant alors la mise d’intérêts non déclarés au fisc chilien. Montant de l’évasion fiscale : 2,2 millions de dollars.

La question est de savoir désormais qui fera tomber Pinochet : le dictateur ou le voleur ?

Bernard Duraud

Publié avec l’aimable autorisation du journal l’Humanité.

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