Le procès d’UBS entre dans le vif du sujet

Lundi 15 octobre 2018

Le procès d’UBS entre dans le vif du sujet

Reuters 15 octobre 2018

PARIS (Reuters) - Le procès devant le tribunal correctionnel de Paris de la plus grande banque suisse, UBS, pour démarchage illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale est entré lundi dans le vif du sujet, après deux audiences de guérilla procédurale.

Le tribunal a décidé de joindre à l’examen du fond du dossier les exceptions de nullité soulevées jeudi dernier par les avocats d’UBS, de sa filiale française et des six anciens dirigeants ou cadres jugés avec elles.

Ils avaient brocardé pour son « imprécision » l’ordonnance de renvoi en correctionnelle, demandé son annulation, le retrait de la déposition d’un témoin anonyme, contesté une procédure menée, selon eux, en violation des conventions internationales, ainsi que les mandats d’arrêt émis contre plusieurs prévenus.

Au point qu’un représentant du ministère public avait dénoncé un « pilonnage systématique de l’instruction ».

Le tribunal, qui se prononcera sur les exceptions de nullité en même temps que sur le fond, avait déjà rejeté les questions préalables de constitutionnalité (QPC) soulevées par UBS et rendu ainsi possible la poursuite d’un procès prévu pour durer jusqu’à la mi-novembre.

UBS, UBS France et les six ex-dirigeants ou ex-cadres en cause sont accusés d’avoir aidé des milliers de contribuables français à échapper au fisc entre 2004 et 2012.

Il est reproché à UBS d’avoir envoyé en France des chargés d’affaires pour démarcher illégalement des résidents fiscaux, notamment lors d’événements mondains, culturels et sportifs.

Selon l’accusation, ces chargés d’affaires avaient consigne de « voyager de manière discrète afin d’éviter d’être détectés ». Un prévenu a évoqué pendant l’enquête un « ratissage nauséabond et pratiqué de manière industrielle de petits patrimoines ».

UBS est aussi accusé d’avoir apporté « de manière habituelle » son concours à la dissimulation de fraudes à l’impôt sur le revenu, les sociétés ou la fortune.

Le PNF évalue les avoirs concernés à 10,6 milliards d’euros au 1er juin 2006 et 8,5 milliards au 30 novembre 2008.

UBS SE DIT JUGÉ SANS PREUVES

L’Etat français, seule partie civile, réclame 1,6 milliard d’euros de dommages et intérêts à UBS, qui a déjà dû verser une caution de 1,1 milliard d’euros, en plus d’éventuelles amendes.

Les prévenus encourent des peines maximales de cinq ans de prison et 375.000 euros d’amende, pouvant être portées à 10 ans et 750.000 euros en cas de blanchiment aggravé. Les amendes peuvent même aller jusqu’à la moitié de la valeur des fonds blanchis, ce qui pourrait dépasser quatre milliards d’euros.

UBS se défend d’avoir commis les infractions dont elle est accusée par la justice française, notamment le blanchiment aggravé de fraude fiscale, sanctionnée beaucoup plus lourdement que la complicité de fraude fiscale.

« Pour caractériser le blanchiment, (l’accusation) se base sur une série de services que la banque offre, comme des comptes numérotés ou l’envoi des relevés de comptes en poste restante », fait ainsi valoir le directeur juridique du groupe, Markus Diethelm, pour qui « cela ne prouve pas la faute ».

UBS reconnaît certes la participation à des événements mondains, culturels et sportifs, « mais c’est légal, il n’est pas interdit de faire de la promotion », renchérit un des avocats de la banque, Me Denis Chemla.

« En ce qui concerne le dossier en France, il n’y a pas de preuves », a-t-il soutenu vendredi lors d’une rencontre avec des journalistes. « L’accusation n’a pas identifié un seul client qui a reconnu avoir été démarché en France par des banquiers suisses (…) Nous allons plaider la relaxe pure et simple. »

Et de dénoncer une affaire qui s’est transformée, selon lui, « en procès contre toutes les banques suisses ».

(Emmanuel Jarry, avec Inti Landauro, édité par Yves Clarisse)

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