BD Ce fric d’Afrique qui a inondé la France, en passant par la Suisse

Jeudi 13 décembre 2018

BD Ce fric d’Afrique qui a inondé la France, en passant par la Suisse

Un livre décortique les scandales politico-financiers entre l’Etat français et ses anciennes colonies. Notre pays a eu son rôle à jouer.

Que des pays africains soient impliqués dans le financement de la vie politique française ne date pas de l’affaire de la campagne de Nicolas Sarkozy qui aurait été payée par la Libye de Kadhafi. L’Etat français entretient des relations troubles avec ses anciennes colonies françaises depuis leur indépendance en 1960. Mais l’ampleur de ces trafics d’influence n’a été appréhendée que ces dernières années, notamment grâce à deux affaires judiciaires, celle d’Elf et, plus récemment, celle des biens mal acquis.

En enquêtant sur cette dernière, qui a permis de poursuivre la famille au pouvoir en Guinée équatoriale pour des biens de luxe acquis en France au détriment de son peuple, le journaliste économique Xavier Harel nous décrit tous les rouages d’une mécanisme cynique qui dure depuis des décennies. Son enquête était déjà parue en BD, dans un format plus court, dans « La revue dessinée » en 2015. Glénat lui a proposé de la développer dans cet album, qui profite en outre du jugement rendu dans l’affaire des biens mal acquis fin octobre 2017.

L’économie s’explique bien en BD

« J’étais lecteur de BD, mais je n’avais jamais envisagé de publier une enquête sous cette forme, nous explique Xavier Harel. Lorsque « La revue dessinée » me l’a proposé, j’ai pu constater combien ce média était magique. On peut mettre en images des scènes comme Jacques Chirac ou Dominique de Villepin comptant des valises de billets dans leur bureau. A l’écrit, c’est moins fort. Et dans un documentaire filmé, il faudrait faire une reconstitution, c’est moins crédible ».

Outre qu’une BD est également plus facile d’accès qu’un gros livre d’enquête et qu’elle peut donc toucher un plus large public, elle permet également l’utilisation d’outils didactiques très efficaces. « L’économie se prête particulièrement bien à des explications en dessins. On peut décortiquer son fonctionnement graphiquement, comme le cheminement de l’argent du pétrole en dessinant un pipeline. » Et les dessins de Julien Solé sont extrêmement clairs.

De bons rapports avec ses anciennes colonies

Cette BD est formidable. On comprend tout, c’est passionnant. Et totalement déprimant. En gros, pour assurer son approvisionnement énergétique, la France a gardé des relations très fortes avec ses anciennes colonies en Afrique qui en possèdent. Et la France a ceci de particulier que, contrairement à d’autres pays, la majorité de ses anciennes colonies ont acquis leur indépendance pacifiquement. Il était donc plus facile de garder de bonnes relations avec elles.

Des familles au pouvoir

Qui dit pétrole, dit argent. Et ceux qui ont pris le pouvoir dans ces anciens bastions de la France en ont largement profité. Pas question du coup de perdre ces privilèges. Elles ont donc tout fait pour rester aux commandes et elles y sont toujours : les Bongo depuis 1967 au Gabon. Les Nguema depuis 1979 en Guinée équatoriale ou encore Paul Biya au Cameroun depuis 1982. Et pour se maintenir ainsi, elles ont su s’assurer le soutien indéfectible de la France en l’arrosant de pétrodollars. Pas seulement le parti au pouvoir, mais toutes les formations, des communistes au FN, ont palpé. Mieux vaut avoir un maximum d’amis, on ne sait pas qui peut gouverner demain. Et l’argent n’a pas servi qu’à financer des programmes politiques ou des campagnes électorales : beaucoup se sont tout bonnement enrichis personnellement.

[…] Trafic d’influence

Ces pratiques, si elles diminuent de génération en génération et que Elf a été racheté par Total, n’ont pas cessé, comme l’a donc récemment encore montré l’affaire des biens mal acquis. Et si, peut-être, moins de valises pleines de billets circulent, il y a d’autres façons plus déguisées de conserver de bons rapports. La BD cite par exemple les concerts donnés en 2015 en Afrique du Sud par l’orchestre créé par la femme de Manuel Valls, alors premier ministre socialiste. Une tournée parrainée par la Fondation Brazzaville, présidée par un riche homme d’affaires Jean-Yves Ollivier. Qui n’est autre que l’homme de confiance du président du Congo-Brazzaville Denis Sassou-Nguesso. Un mois plus tard, Jean-Yves Ollivier recevait la légion d’honneur des mains de… Manuel Valls. Lire la suite.

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