Un procès se profile pour le couple Fillon, emporté par l’affaire des emplois fictifs

Mardi 23 avril 2019

Un procès se profile pour le couple Fillon, emporté par l’affaire des emplois fictifs

Par L’Obs avec AFP Publié le 23 avril 2019 à 13h30

Paris (AFP) - Plus de deux ans après l’ouverture d’une enquête qui a entraîné la chute politique de François Fillon, les juges d’instruction ont ordonné un procès pour lui et son épouse Penelope, rattrapés par les soupçons d’emplois fictifs dont elle aurait bénéficié.

Cette retentissante affaire avait stoppé net la course en tête de François Fillon pour la présidentielle de 2017, candidat de droite, parti favori dans les sondages mais finalement éliminé au premier tour.

Les trois juges du pôle financier de Paris ont renvoyé le couple, ainsi que l’ancien suppléant de M. Fillon à l’Assemblée nationale, Marc Joulaud, devant le tribunal correctionnel, a indiqué une source judiciaire, confirmant une information du Monde.

Selon une source proche du dossier, le candidat malheureux de la droite à la présidentielle de 2017 devra répondre de « détournement de fonds publics », « complicité et recel » de ce délit, « complicité et recel d’abus de biens sociaux » et « manquement aux obligations déclaratives de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ».

Son épouse, rémunérée comme collaboratrice à l’Assemblée nationale quand M. Fillon était député, est poursuivie pour « complicité et recel » des délits de détournement de fonds publics et d’abus de biens sociaux.

Marc Joulaud, maire LR de Sablé-sur-Sarthe et député européen, est pour sa part renvoyé pour « détournement de fonds publics ».

L’avocat de l’ex-Premier ministre, Antonin Lévy, a de son côté regretté que l’ordonnance des juges ait été transmise « à la presse avant même qu’elle n’ait été notifiée à M. Fillon et à sa défense ».

« Cela démontre l’état d’esprit dans lequel toute cette enquête a été conduite et nous réagirons sur le fond quand nous aurons pu prendre connaissance de ce document », a-t-il commenté auprès de l’AFP.

L’avocat de Penelope Fillon, Pierre Cornut-Gentille, a pour sa part dénoncé « une nouvelle violation du secret de l’instruction ».

  • Déroute politique -

Le Parquet national financier avait ouvert une enquête après les révélations fracassantes du Canard enchaîné le 25 janvier 2017 sur des soupçons d’emplois fictifs de son épouse Penelope, alors sans activité professionnelle connue.

Par la suite, M. Fillon avait lui-même annoncé avoir rémunéré ses enfants comme assistants parlementaires à ses côtés.

Face aux enquêteurs, M. Fillon avait défendu la réalité et la légalité des emplois de sa femme à l’Assemblée nationale entre 1986 et 2013, lorsqu’il était député, et de ses enfants Charles et Marie quand il siégeait au Sénat entre 2005 et 2007.

Si ces derniers n’ont pas été mis en examen, les juges ont toutefois estimé que leur père s’était rendu responsable de « détournements de fonds publics » s’agissant de leurs contrat de collaborateurs, selon la source proche du dossier.

Outre Marc Joulaud, un autre proche de M. Fillon a été mis en examen dans cette enquête : le milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière.

Ce dernier a toutefois opté pour une alternative au procès, en acceptant une procédure de « plaider coupable ». Il a été condamné le 11 décembre à huit mois de prison avec sursis et 375.000 euros d’amende pour abus de biens sociaux pour avoir accordé un emploi de complaisance, en partie fictif, à Penelope Fillon au sein de la « Revue des deux mondes ».

Selon l’enquête, Mme Fillon aurait touché 135.000 euros de mai 2012 à décembre 2013 alors qu’elle n’a publié que deux notes de lecture dans la revue, propriété du milliardaire, auprès de qui elle dit avoir assumé un rôle de conseiller.

Après avoir contesté avec virulence la légitimité de l’enquête, le couple Fillon a ensuite choisi une stratégie de passivité lors de l’instruction, réservant sa riposte pour le tribunal.

Les révélations en cascade avaient écorné son image d’homme politique intègre. La formule assassine qu’il avait employée contre Nicolas Sarkozy lors de la primaire de la droite - « qui imagine de Gaulle mis en examen ? » - lui était alors revenue comme un boomerang.

Mais le coup de grâce était venu des révélations de Robert Bourgi, figure des réseaux de la « Françafrique », qui s’était vanté de lui avoir offert deux costumes d’une valeur de 13.000 euros. L’enquête avait alors été élargie à des soupçons de « trafic d’influence », qui ont fait l’objet d’un non-lieu.

Désormais retiré de la vie politique, M. Fillon, qui vient de fêter ses 65 ans, a rejoint il y a plus d’un an la société de gestion d’actifs et d’investissement Tikehau Capital.

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