« Le Luxembourg doit jouer le jeu »

Mercredi 13 janvier 2021 — Dernier ajout jeudi 14 janvier 2021

On en parle - « Le Luxembourg doit jouer le jeu »

Renaud Van Ruymbeke, bête noire des paradis fiscaux

RTL|Actualisé : 12.01.2021 19:33

Alors que sortent ses mémoires explosifs, le juge qui a instruit certaines des plus grandes affaires financières (Urba, Elf, Clearstream, Kerviel, Cahuzac…) s’est confié à RTL 5minutes. Que pense-t-il aujourd’hui du Luxembourg ?

Plus de quarante ans de carrière et un tableau de chasse d’affaires impressionnant, dont beaucoup ont secoué la République française…

Renaud Van Ruymbeke a débuté sa carrière en tant que magistrat en 1975. Devenu juge d’instruction en 1977, il a été doyen du pôle financier au tribunal de Paris jusqu’en juillet 2019. Il sort aujourd’hui le passionnant Mémoires d’un juge trop indépendant aux éditions Tallandier.

Le nom du juge a beaucoup circulé au Luxembourg, en particulier depuis l’appel de Genève, en 1996, lorsqu’il répond à la sollicitation du journaliste Denis Robert, avec six autres magistrats européens, dans le but d’harmoniser la justice européenne.

Renaud Van Ruymbeke et Denis Robert se retrouvent en 2004, mais cette fois dans le cadre de l’un des volets de l’affaire Clearstream 2. Cette affaire était initialement celle de la révélation des pratiques opaques de la chambre de compensation luxembourgeoise par Denis Robert dans deux livres et un documentaire. Mais en 2004, le juge est victime d’une manipulation politique et lance des investigations à partir de listings falsifiés.

Durant sa longue carrière, le juge a souvent eu affaire au Luxembourg et a pu constater ses progrès en matière de transparence, tout en étant conscient des lenteurs qui persistent au Grand-Duché.

Morceaux choisis de l’entretien que Renaud Van Ruymbeke a accordé à RTL 5minutes…

SUR LE LUXEMBOURG

"Je constate qu’il y a une bonne coopération des juges mais qu’il y a encore un système opaque qui est difficile à percer. Voilà, j’ai cette double vision du Luxembourg qui donne l’image d’un paradis fiscal, en tout cas d’un pays où on peut cacher ses investissements.

Il m’est arrivé de constater, dans certains dossiers, des montages sur des achats d’appartements parisiens par des personnes qui étaient l’objet de mes investigations dans des contrats internationaux, des intermédiaires par exemple. Des investissements à Paris, dans de beaux appartements, aux noms de SCI, sociétés civiles immatriculées en France, mais dont les parts étaient détenues par des sociétés panaméennes — de mémoire — et gérées depuis le Luxembourg, et encore aujourd’hui."

LA DÉLOCALISATION DES PARADIS FISCAUX

"Plus on progresse en Europe — et il y a eu des progrès incontestables dans des pays tels que le Luxembourg — plus j’ai constaté une espèce de délocalisation. C’est-à-dire que les clients qui connaissent leur banquier suisse ou luxembourgeois veulent conserver le contact avec le même correspondant dans une banque ou dans une fiduciaire mais les avoirs sont transférés ailleurs, dans des pays qui sont plus en retard sur la coopération.

On n’en parle jamais de Dubaï, parce que ce n’est pas catalogué comme paradis fiscal, comme coffre-fort etc. Mais à Dubaï, aujourd’hui, ils ne coopèrent pas du tout, ils n’extradent pas. Donc aujourd’hui, vous avez beaucoup de fraudeurs recherchés par la justice qui vont là-bas, leur argent est protégé.

Dans le monde, il y a des trous, tout le monde ne coopère pas et je pense que le Luxembourg est un peu à la charnière. Ils ne veulent pas perdre leurs clients, c’est clair, ça génère du PIB, etc. Ils sont dans l’Europe, donc ils signent des conventions, des accords, ils coopèrent… Je ne sens pas non plus une démarche spontanée, totale."

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