Procès Beny Steinmetz : 5 ans de prison requis

Samedi 16 janvier 2021

Procès Beny Steinmetz : 5 ans de prison requis

Pour ce premier procès de corruption international à Genève, les procureurs ont redoublé d’ardeur dans leur charge contre Beny Steinmetz et ses deux co-accusés. A 64 ans, Beny Steinmetz, qui etait domicilie a Geneve lorsque les faits qui lui sont reproches se sont deroules, conteste entierement les conclusions du parquet genevois.

Par Agnès Faivre, notre envoyée spéciale à Genève

Publié le 15/01/2021 à 13h56

Vers 20 h 15, ce jeudi 14 janvier, le procureur Yves Bertossa a cessé de s’adresser aux trois prévenus alignés au milieu de la salle A3 du tribunal correctionnel de Genève. Au terme d’un réquisitoire de près de six heures qui a invoqué le militant afro-américain des droits civiques Martin Luther King (« La moindre injustice, où qu’elle soit commise, menace l’édifice tout entier ») et l’ex-secrétaire général des Nations unies Kofi Annan (« La corruption est un mal qui couve dans de nombreux pays, mais ce sont les pays en développement qui en pâtissent le plus »), son regard s’est tourné vers les trois juges. Le véhément plaideur a baissé d’un ton. « Moi, je suis choqué. On est dans une infraction économique. Je ne comprends pas comment on traite avec autant de mépris les institutions d’un pays pauvre », a-t-il tenté de convaincre une dernière fois, consterné.

Puis il a requis 5 ans de prison contre le magnat des mines Beny Steinmetz et 50 millions de francs suisses de créances compensatrices (sorte de confiscation des valeurs patrimoniales dans le droit suisse), 4 ans de prison et 11 millions de dollars contre l’homme d’affaires français Frédéric Cilins, et enfin deux ans de prison avec sursis et 150 000 dollars contre la Belge Sandra Merloni Horemans, administratrice qui gérait « entre 200 et 400 sociétés » de Beny Steinmetz Group (BSG), et de sa branche minière BSG-Resources (BSGR).

Tous trois sont accusés de « corruption d’agents publics étrangers » et de « faux dans les titres ». Les faits remontent entre 2006 et 2012, et à l’acquisition par BSGR de permis miniers sur le méga-gisement de fer de Simandou et celui de Zogota, au sud-est de la Guinée. Selon le ministère public suisse, quelque 10 millions de dollars de pots-de-vin auraient été versés en contrepartie à Mamadie Touré, 4e épouse de l’ex-président guinéen Lansana Conté.

[…] Pentler, « l’écran de la corruption »

Des lettres d’engagement, contrats ou protocoles d’accord – à l’authenticité parfois disputée par BSGR – se font jour particulièrement après l’octroi par le ministère guinéen des Mines, le 6 février 2006, de sept permis de recherches miniers à une filiale guinéenne de BSGR. « Tous les pactes corruptifs sont attestés par les contrats », accuse Caroline Babel Vasutt. L’un de ces documents, daté du 20 février 2006, garantit à Mamadie Touré une participation gratuite de 5 % dans le futur projet BSGR Simandou. Il est établi par la société Pentlers Holdings, une société dans le giron de BSGR immatriculée aux îles Vierges britanniques, et cédée le 14 février pour une broutille à Frédéric Cilins et deux associés. Or, ce même jour, Pentler reçoit un courrier d’une filiale guinéenne du groupe, BSGR BVI, qui lui confirme l’octroi, gratuit, de 17,65 % de ses parts. Et un éventuel bonus de 19,5 millions de dollars pour l’obtention de titres miniers à Simandou, selon des documents versés à la procédure. Deux ans plus tard, les parts de Pentler sont rachetées par BSGR Guinée en 2008 pour un total de 34 millions de dollars. Un montage financier, selon les enquêteurs, qui a permis le versement de pots-de-vin. « Mamadie Touré confirme que Pentler est un écran pour BSGR, elle dit, “c’était au milieu, entre BSGR et moi”, clame la procureure. Elle confirme aussi tous les contrats, tous les paiements. Elle dit : “quand Beny est satisfait, il est satisfait”, et que c’est lui qui est venu lui proposer une participation de 5 % dans Pentler. Mme la Présidente, si ça, c’est pas un pacte corruptif… Tout est écrit noir sur blanc. » Lire la suite.

Revenir en haut