Derrière le procès Balladur, l’affaire Karachi

Vendredi 12 mars 2021

Opinions Affaire Karachi

Derrière le procès Balladur, l’affaire Karachi

C’est la volonté des rescapés et des familles des personnes assassinées qui a permis de mettre au jour un système opaque de corruption en France après l’attentat du 8 mai 2002 au Pakistan. Il faut se réjouir que ce procès ait eu lieu, mais des réponses aux victimes et à leurs proches se font attendre.

Par Béatrice Gurrey Publié aujourd’hui à 06h00

Analyse. Le procès d’Edouard Balladur et de François Léotard devant la Cour de justice de la République (CJR), s’est achevé, jeudi 4 mars, par la relaxe de l’ancien premier ministre et par la condamnation de l’ancien ministre de la défense à deux ans de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende. Il a été établi que les marchés d’armement colossaux du début des années 1990 ont servi à rémunérer de façon excessive des intermédiaires douteux et inutiles, au premier rang desquels Ziad Takieddine, en fuite. Et qu’une partie de cet argent obtenu par faveur politique, via des sociétés-écrans dans des paradis fiscaux, est revenue en France. Mais la preuve n’a pas été rapportée que ces sommes avaient servi à combler le trou de plusieurs millions de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995. Pas de preuve, pas de condamnation. C’est le droit.

Le parquet tenait pour acquis que cet argent, versé au dernier moment sur le compte de campagne du candidat malheureux, ne pouvait être que d’origine frauduleuse. Le procureur, François Molins, l’avait souligné dans un réquisitoire sévère. Mais il a fait savoir, mardi 9 mars, que la décision de la CJR ne ferait pas l’objet d’un pourvoi en cassation. D’un point de vue juridique, il n’y a rien à se mettre sous la dent pour soutenir une cassation. Fin de l’histoire du côté de l’accusation. François Léotard, lui, il a déposé un pourvoi.

On ne sait pas

Il est donc admis désormais que les quelque 10 millions de francs venus très opportunément renflouer les comptes de M. Balladur ne sont pas d’origine illégale. Enfin, on ne sait pas. Ils peuvent provenir de la vente de tee-shirts et de gadgets durant la campagne, hypothèse qui a fait rire la France entière, mais on en revient au même point : on ne sait pas. Aucun justificatif ne prouve ces ventes, et le Conseil constitutionnel a décidé de valider quand même ces comptes bancals. Quitte à laisser se perpétuer un système d’indulgence fautif, comme ces remises de peine de l’église catholique accordées pour un péché déjà pardonné.

Ces millions baladeurs peuvent émaner des fonds secrets de Matignon – nouveau scénario en vogue car il a été écarté par un non-lieu – que le trésorier de la campagne, René Galy-Dejean, serait allé chercher rue de Varenne. C’est ce qu’a sous-entendu l’ex-député parisien, sous serment, en précisant qu’il avait demandé des billets usagés pour en celer l’origine. Bref, on ne sait pas non plus. Immédiatement après lui, le chef de cabinet d’Edouard Balladur, Pierre Mongin, a poussé des cris d’indignation à l’idée qu’il aurait pu remettre tous ces millions en espèces au trésorier pour boucher les trous de cette campagne de perdant. On ne sait pas ! On se retrouve tel Tintin dans Le Temple du soleil, aux questions duquel tous les habitants d’un village andin opposent la même réponse butée, « no sé ». La moutarde lui monte au nez. Lire la suite.

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