Et les multinationales paieront (un peu)

Mercredi 30 juin 2021

Pourquoi l’impôt universel sur les sociétés est une avancée

Et les multinationales paieront (un peu)

Trop timide ! Trop dépendant du bon vouloir de Washington ! Trop susceptible d’être balayé par une autre administration ! Les raisons de railler l’impôt universel sur les sociétés défendu par le président américain Joseph Biden ne manquent pas. En dépit de ses défauts, la mesure opère toutefois une bascule politique déterminante : elle prive les multinationales de la fiction qui les plaçait au-dessus des lois.

par Alain Deneault

En 2017, Google a inscrit près de 20 milliards d’euros sur ses seuls comptes des Bermudes, après les avoir fait transiter par divers paradis fiscaux. Cette année-là, en France, la multinationale n’a payé que 14,1 millions d’impôt sur les bénéfices — de l’argent de poche pour elle. Officiellement, ses sept cents cadres employés dans l’Hexagone ne vendaient rien à la France ; ils secondaient simplement la filiale irlandaise du groupe : c’est elle qui tenait les comptes, sous les auspices cléments de ce paradis fiscal européen. Quant à Amazon, le géant de la distribution en ligne, il esquive, année après année, l’impôt fédéral sur le revenu des sociétés aux États-Unis et parvient, sur le Vieux Continent, à déclarer des pertes, au moment même où une crise sanitaire fait exploser ses profits. Ce printemps, l’organisation indépendante ProPublica confirmait que, en tant que particuliers, des milliardaires célèbres — MM. Jeff Bezos, Michael Bloomberg, Warren Buffett, Carl Icahn, Elon Musk et George Soros — ne payaient pas (ou presque pas) d’impôts aux États-Unis, profitant de toutes les échappatoires que la législation met à leur disposition.

Paradoxalement, seuls les États-Unis, leurs meilleurs alliés, semblent aujourd’hui capables de tenir tête à ces multinationales sur les questions de fiscalité et d’investissements à l’étranger. Il a donc fallu que le président Joseph Biden plaide auprès de ses partenaires du G7 en faveur d’un impôt universel de 15 %, appliqué à leur revenu consolidé (c’est-à-dire le revenu cumulé de l’ensemble de leurs filiales), pour que les autres pays, d’ordinaire poussifs en la matière, lui emboîtent le pas. Rien à voir avec le risible et sans effet « Les paradis fiscaux et le secret bancaire, c’est terminé », lancé par le président français Nicolas Sarkozy à l’occasion d’un sommet du G20 en 2009.

Au demeurant, le taux retenu pour cet impôt universel, 15 %, est minime, sinon dérisoire. Il correspond au pourboire que laissent habituellement, en Amérique du Nord, les clients d’un (…)

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