La France va bientôt solder les comptes de Noriega

Lundi 10 septembre 2007 — Dernier ajout mardi 11 septembre 2007

La France va bientôt solder les comptes de Noriega

ÉRIC DECOUTY.

Publié le 10 septembre 2007

Actualisé le 10 septembre 2007 : 09h09

Appartements dans les beaux quartiers, bijoux et haute couture : la famille Noriega vivait sur un grand pied à Paris. Devant la justice française, l’ancien dictateur devra bientôt s’expliquer sur ces opérations de blanchiment.

CE JOUR-LÀ, Noriega n’apercevra rien de la capitale, des magasins de luxe où sa femme et ses filles, Leonora, Thays et Sandra, aimaient faire quelques emplettes pour des milliers de dollars. Il ne visitera pas non plus les grands appartements qu’il avait acquis pour y couler des jours paisibles. À Paris, c’est une simple cellule dans le quartier VIP de la maison d’arrêt de la Santé qui lui a été préparée. Même pas « la suite » de trois cellules, spécialement aménagées pour lui au pénitencier de Miami.

En France, Manuel Noriega est aujourd’hui considéré comme un vulgaire trafiquant de drogue. Le 1er juillet 1999, la 11e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris l’a en effet condamné, par contumace, à dix ans de prison pour blanchiment d’argent provenant du trafic de drogue. Lors du même jugement, son épouse, Felicidad, a écopé de la même peine, mais il semble que la France, (comme les États-Unis) a aujourd’hui définitivement renoncé à la rechercher…

Loin de la junte panaméenne, des cartels de la drogue et de ses activités occultes pour le compte de la CIA, c’est à Paris que le dictateur avait choisi d’investir et de faire fructifier ses gains. Au point que les Noriega auraient sérieusement envisagé de s’y retirer l’heure de la retraite sonnée. En 1982, ils commencent par acquérir un magnifique appartement, au 228 de la rue de l’Université, pour 1,8 million de francs. L’année suivante, c’est Madame qui s’offre un pied à terre au 55-63 du quai de Grenelle, pour 2,4 millions de francs. Puis un autre encore en 1984, toujours dans les quartiers chics, cette fois au 91-93 du quai d’Orsay, pour 5,4 millions de francs. À l’époque Manuel, Felicidad et leurs filles ne se contentent pas d’investir dans la pierre. Les enquêteurs ont ainsi retrouvé des dépenses considérables en vêtements, en bijoux, parfois pour des montants de plusieurs centaines de milliers de francs en une seule journée…

« Les opérations internationales illicites imputables en France à Manuel Antonio Noriega entre 1982 et 1989 représentent un montant de 15 millions de francs et, s’agissant de Mme Noriega, 20 millions de francs », est-il écrit dans le jugement de 1999. Les magistrats précisent encore : « Les fonds parvenus en France provenaient de l’argent de la drogue et ont transité par diverses banques étrangères avant de créditer des comptes français. » Derrière les somptueux appartements, se dissimulent en effet des montages financiers complexes, via des sociétés panaméennes dénommées Gaswitt ou Capricornio, que des banques telles que le CIC, le Crédit lyonnais ou la BNP à Paris, pas plus que la BCCI de Londres, n’avaient pas jugés suspects…

Décoré de la Légion d’honneur

Tous les appartements, saisis par la justice, ont aujourd’hui été vendus pour récupérer les 11,5 millions d’amendes infligées au couple. Interrogé une seule fois, dans sa cellule de Miami, le 30 novembre 1995 par le juge parisien Patrick Fiévet, Noriega avait affirmé que tout était mensonge, jurant avoir sans cesse lutté contre le trafic de drogue et expliquant que les fonds trouvés sur ses comptes avaient pour origine des versements de la CIA… En revanche, il précisait au juge d’instruction avoir toujours été très bien reçu par les autorités politiques françaises : « Depuis 1977, j’ai été en relation avec la France à tous les niveaux : politique, militaire, économique et culturel. Mes voyages en France étaient connus de tous (…) J’ai signé des accords économiques. J’ai bénéficié de prêts de la France. J’ai traité avec les services de sécurité français. J’ai acheté tout à fait légalement, en application des lois françaises, des équipements, du matériel, des avions, des armes et divers éléments à l’industrie militaire française. » Au point même de recevoir d’un chef de l’armée l’insigne de commandeur de la Légion d’honneur, en 1987.

Extradé en France, le dictateur en dira-t-il plus de ses relations politiques ? En attendant, Me Olivier Metzner, son avocat, prévoit une farouche guérilla judiciaire, notamment pour obtenir sa mise en liberté jusqu’à ce que soit organisé un nouveau procès.

© Le Figaro

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