Courrier international - n° 583 - 3 janv. 2002
Editorial
Faillite d’une élite
Noël fut un moment dur pour les Argentins, la Saint-Sylvestre aussi. Certes, les émeutes ont cessé, mais pas la faim. Comme l’écrit le quotidien de Buenos Aires La Nación les problèmes n’ont pas disparu par enchantement avec l’arrivée d’un nouveau président intérimaire, Adolfo Rodriguez Saá.
Ce péroniste, volontariste et populiste, peut-il briser le cercle vicieux qui enfonce l’Argentine depuis plus d’un demi-siècle ? Face au désastre, on peut critiquer à bon escient le FMI et la classe politique argentine, mais il faut reconnaître que la responsabilité de toute l’élite d’une nation est engagée.
"Mes compatriotes ont passé leur dernière année à demander une aide financière au monde entier pour soulager une dette extérieure de 132 milliards de dollars« , note l’écrivain argentin Abel Posse dans El Mundo. »Mais les Argentins eux-mêmes posséderaient dans différents paradis fiscaux quelque 120 milliards de dollars et règlent rarement leurs impôts.
De même avons-nous vu des milliers d’affamés à l’assaut des supermarchés l’année même de la meilleure récolte de blé de l’histoire argentine (de quoi nourrir toute la Chine et toute l’Inde pendant un an)…« Ainsi, le »système" argentin - mélange difficile à comprendre de corruption politico-financière, de rentes de situation, de reliquats d’économie dirigée, d’orthodoxie monétariste - a vécu. Espérons seulement que 2002, année des plus grands efforts (avec, en vue, dévaluation de la monnaie, hausse du chômage et forte contraction du PIB), préparera de meilleurs lendemains.
Philippe Thureau-Dangin
© Courrier international 2007
Publié avec l’aimable autorisation du magazine Courrier international
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