Cocaïne : les bonnes prises des stups européens

Vendredi 10 août 2007 — Dernier ajout mercredi 8 août 2007

Cocaïne : les bonnes prises des stups européens

Le « King Alexander », un voilier chargé de drogue, a été arraisonné dans la Manche.

Par Patricia TOURANCHEAU

QUOTIDIEN : mercredi 8 août 2007

Un voilier de 11 mètres, le King Alexander, lesté de quelque 600 kilos de cocaïne, a été arraisonné lundi dans la Manche par la marine nationale française puis remorqué dans le port de Cherbourg. L’homme néerlandais et la femme colombienne qui convoyaient la marchandise conditionnée en 540 packs (de plus d’un kilo chacun) planqués sous le plancher et dans les banquettes du carré, ont été interpellés. Et ce n’est pas un hasard.

Les polices judiciaires, douanes et marines de plusieurs pays européens, ont en effet décidé de mettre le paquet pour repérer, puis bloquer les chargements de coke sud-américaine qui débarquent dans la zone euro. L’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis) français constate « l’intérêt accru des pays producteurs, Colombie, Pérou et Bolivie, pour l’Union européenne en raison de la saturation du marché américain qui ne peut pas absorber plus que 600 tonnes de cocaïne sur les 900 à 1 000 tonnes à écouler ». L’Ocrtis évalue à « 250 tonnes » le poids de la coke envoyé chaque année sur le marché européen.

Renseignement. Pour contrer ce trafic qui part souvent du Venezuela et du Brésil pour aboutir « soit sur les côtes atlantiques, soit en Afrique de l’Ouest », la France, le Portugal, la Grande-Bretagne, l’Irlande, les Pays-Bas et l’Italie ont donc monté en avril 2007 un centre opérationnel d’analyses maritimes (Maoc) consacré aux narcotiques, basé à Lisbonne (Portugal). Selon le commissaire Colombani, chef de l’office des stups français, « ce centre de renseignement composé de représentants des six pays échangent les tuyaux sur les déplacements de bateaux suspectés de transporter la drogue. On regarde ensuite quel pays est le mieux placé pour l’intercepter sur sa route ».

Dans le cas du King Alexander, les douanes françaises ont repéré ce navire suspect battant pavillon néerlandais qui partait des Caraïbes et se rendait vers un port en Hollande. L’information a été livrée au Maoc européen. Il a été décidé que les Français interviendraient sur sa route au large des côtes galloises. L’enquête ouverte par le procureur de Rennes a été confiée à la police judiciaire et à l’office des stups. La préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord a indiqué hier que la saisie à bord du King Alexander représente une valeur de 16 à 18 millions d’euros.

Un autre voilier bourré de cocaïne sud-américaine qui devait rallier les Açores a été intercepté ce week-end. Le Coconuts battant pavillon costaricain a été victime d’une avarie au large des Antilles, qui l’a obligé à entrer dans les eaux territoriales françaises. Les douanes en ont profité pour le contrôler et ont découvert à son bord 868 kilos de cocaïne. Les deux trafiquants portugaisont été placés en garde à vue dans les locaux de l’antenne Caraïbes de l’OCRTIS. Selon les enquêteurs, les convoyeurs du Coconuts auraient embarqué la drogue au large du Venezuela et devaient l’acheminer en Europe via les Açores.

Prix cassés. Les services de lutte antinarco européens comptent intensifier les saisies de cocaïne qui se chiffrent déjà à 90 tonnes chaque année, « soit un gros tiers » des quantités exportées d’Amérique du sud vers l’Union européenne. Selon l’OCRTIS, « à 26 000 ou 28 000 euros le kilo, le prix d’achat est attractif » pour les trafiquants, au point que des réseaux de revente de cannabis implantés dans les cités françaises se sont reconvertis depuis deux ans dans le business de cocaïne. Bernard Petit, alors patron de l’office des stups, expliquait lors de son dernier bilan annuel ( Libération du 19 octobre 2006) que des bandes de moyenne envergure qui écoulaient du shit dans des quartiers sensibles utilisaient désormais ces « réseaux de proximité » pour dealer de la cocaïne « au pied des immeubles et casser les prix ». Le gramme de cocaïne qui coûtait 150 euros il y a moins de dix ans se vend aujourd’hui 75 euros. Le commissaire s’inquiétait de la « démocratisation » de la coke qui n’est plus l’apanage de la jet-set et du show-biz mais « pénètre plus en profondeur la société française ».

© Libération

Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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