Pollution.
Flibustiers
Editorial
Par Pierre HASKI
QUOTIDIEN : Jeudi 14 septembre 2006 - 06:00
Les habitants d’Abidjan vivent un drame exemplaire.
L’Europe vertueuse a beau s’être dotée des règlements les plus contraignants au monde sur l’exportation de ses déchets toxiques, la réalité est souvent moins brillante.
La recette est simple : l’appât du gain, des contrôles insuffisants et l’absence de traçabilité des déchets d’un côté, des administrations véreuses et des politiciens corrompus de l’autre, qui font le jeu des trafiquants de tout poil.
Et, une fois de plus, ce sont les habitants d’un pays d’Afrique noire, maillon faible par excellence en raison de ses turbulences politiques internes, qui trinquent.
Chaque fois qu’un Etat baisse la garde, ou pire, se livre au plus offrant, des flibustiers des temps modernes se précipitent et y déversent les rebuts de la partie développée de la planète.
Dans le sud de la Chine, pays pourtant bien surveillé, on peut voir des dizaines de milliers d’ouvriers migrants décortiquer, au mépris de toutes les normes sociales et environnementales, des tonnes de déchets électroniques venus illégalement des Etats-Unis, du reste de l’Asie, un peu d’Europe…
En Afrique, les uns après les autres, les Etats en guerre civile ou en décomposition se voient ériger au rang de « poubelle du monde »…
A chaque fois, il y a des corrupteurs, et des corrompus. Et des victimes. Aux Pays-Bas comme en Côte-d’Ivoire, aux deux bouts de cette chaîne de la mort, il faudra que toute la lumière soit faite, et que, à affaire exemplaire, il y ait aussi châtiment exemplaire, même s’il est politiquement explosif, comme cela pourrait être le cas à Abidjan.
Il y a là un enjeu majeur de gouvernance globale dans lequel les Etats, les organisations internationales, et la société civile, ont leur rôle à jouer.
Et une crédibilité bien émoussée à regagner.
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