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Les fonds de pension britanniques à l’origine d’une nouvelle crise financière
Les violentes secousses qui, depuis trois semaines, agitent les marchés financiers outre-Manche ont été provoquées par d’obscurs produits utilisés par les fonds de pension. Un phénomène qui peut se répliquer ailleurs.
Par Eric Albert (Londres, correspondance) Publié hier à 11h00, mis à jour à 00h10
Sur le papier, rien n’est plus sûr. Les fonds de pension du Royaume-Uni gèrent les retraites d’environ 30 millions de Britanniques et sont censés s’occuper de leurs portefeuilles de la façon la plus prudente qui soit. Ils sont d’ailleurs supervisés de près par les régulateurs financiers.
C’est pourtant d’eux qu’est venue la dernière déflagration financière. Après la présentation du budget du gouvernement britannique, le 23 septembre, un sous-produit financier que les fonds de pension utilisaient à grande échelle a soudain exposé leurs faiblesses, les obligeant à rechercher d’urgence des liquidités, souvent en vain. La livre sterling est tombée au plus bas de son histoire face au dollar.
Il a fallu l’intervention de la Banque d’Angleterre (BoE), à partir du 28 septembre, pour remettre de l’ordre. Mais celle-ci a mis fin à son soutien, vendredi 14 octobre, dans l’inquiétude générale. « On pense que [cette aide de la banque centrale] sera insuffisante », avertissait HSBC dans une note, quatre jours plus tôt.
Cette mésaventure, qui est restée pour l’instant circonscrite au Royaume-Uni, pourrait annoncer des difficultés similaires dans le monde financier. « L’enchaînement des événements a exposé les défauts de la nouvelle organisation des marchés financiers mise en place après [la crise de] 2008 », estime Daniel Tenengauzer, qui dirige la stratégie marchés à BNY Mellon, une banque américaine. Pour lui, il s’agit d’un « premier avertissement ».
Pour comprendre, il faut revenir deux décennies en arrière. A travers le monde occidental, l’inflation est maîtrisée et les taux d’intérêt sont en baisse structurelle, ce qui ira jusqu’au fameux taux négatif de – 0,5 % de la Banque centrale européenne. Pour les fonds de pension, c’est une mauvaise nouvelle. Eux investissent normalement dans des bons du Trésor à long terme, qui rapportent de façon régulière et sûre. Mais avec les taux d’intérêt au plancher, le rendement est très mauvais.
Sortir des liquidités pour combler les pertes
Afin de compenser, les fonds de pension, qui assurent un niveau de retraite garantie à leurs clients (dits defined benefits ou DB) et servent environ 10 millions de Britanniques, ont inventé un nouvel outil, appelé liability-driven investment (LDI), qui s’ajoute à la « soupe aux lettres » des produits financiers exotiques. Ceux-ci sont structurés de façon à rapporter quand les taux d’intérêt baissent. Et comme l’appétit vient en mangeant, un effet de levier est rajouté : les fonds LDI empruntent de l’argent pour spéculer sur d’autres produits financiers, en vue d’obtenir un meilleur rendement. Lire la suite.