Biens mal acquis libanais : une proche du gouverneur de la banque centrale mise en examen en France
Agence France-Presse
2 décembre 2022 à 18h12
Une femme proche du gouverneur de la banque centrale du Liban, Riad Salamé, a été mise en examen le 14 juin dans l’enquête à Paris sur le patrimoine potentiellement frauduleux acquis par celui-ci en France, a appris vendredi l’AFP de source judiciaire, confirmant une information de Mediapart.
Anna K., Ukrainienne âgée de 46 ans et présentée comme très proche de Riad Salamé, a été mise en examen pour « association de malfaiteurs », « blanchiment en bande organisée », « blanchiment de fraude fiscale aggravée » et « recel de délit puni de 10 ans d’emprisonnement », puis placée sous contrôle judiciaire, a confirmé la source judiciaire.
Selon son interrogatoire, dont l’AFP a eu connaissance, Anna K. est notamment suspectée d’avoir « participé à des montages financiers complexes permettant de dissimuler l’origine des fonds détournés par Riad Salamé au préjudice de la banque du Liban (…) et le bénéficiaire effectif final des fonds ».
Sollicité, son avocat n’a pas répondu à l’AFP.
Fin mars, la France, l’Allemagne et le Luxembourg avaient annoncé geler 120 millions d’euros d’avoirs libanais à la suite d’une enquête pour blanchiment d’argent, un mouvement visant M. Salamé et quatre de ses proches.
En France, un certain nombre de biens immobiliers suspectés d’appartenir de fait à M. Salamé, parmi lesquels des appartements dans le XVIe arrondissement de Paris et des espaces situés sur les Champs-Elysées, ainsi que des comptes bancaires, avaient été saisis.
C’est la première mise en examen dans ce dossier initié à la suite de plaintes d’associations et confié depuis juillet 2021 à des juges d’instruction financiers parisiens qui enquêtent sur le riche patrimoine en France de Riad Salamé, gouverneur de la Banque centrale libanaise depuis 1993.
Cette procédure judiciaire a pour point de départ les plaintes déposées en avril 2021 à Paris par la fondation suisse Accountability Now d’un côté et, de l’autre, par l’ONG Sherpa et le « Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban » (CPVCL), constitué d’épargnants spoliés dans la crise qui frappe le pays depuis 2019.
« Cette mise en examen est importante s’agissant de la place d’Anna K. dans le dispositif Salamé. Néanmoins, ce n’est qu’une première étape », ont estimé Mes William Bourdon et Amélie Lefebvre, avocats de l’association et du collectif. « L’amplitude des mesures de saisie intervenues laisse augurer d’autres développements, au-delà du clan Salamé », d’après eux.
Riad Salamé, âgé de 72 ans et qui n’est pas mis en cause à ce stade en France, s’est défendu à plusieurs reprises dans les médias, estimant être le « bouc émissaire » de la crise économique.
« Cette mise en examen date du mois de juin dernier », a réagi son avocat français, Me Pierre-Olivier Sur, saluant ensuite ses « performances » concernant l’économie libanaise « dont il est le seul maître à bord ».
Parmi les nombreuses procédures visant à travers le monde le gouverneur de la banque centrale libanaise, une a été ouverte dans son pays en 2021 concernant son patrimoine, après une demande d’aide de la Suisse qui mène sa propre enquête.
Malgré les nombreuses plaintes, convocations, enquêtes et une interdiction de voyager émise à son encontre en janvier, M. Salamé est toujours à son poste de gouverneur.
Le gouverneur de la Banque centrale, comme l’ensemble de la classe politique libanaise, est accusé par une grande partie de la population de corruption et d’être responsable de la crise économique et financière sans précédent que connaît le pays depuis fin 2019.
Agence France-Presse