« Biens mal acquis » de l’ex-gouverneur de la banque du Liban : un auditeur mis en examen

Vendredi 21 juin 2024

Le patron d’un important cabinet d’audit libanais a été mis en examen le 14 mai à Paris pour complicité de blanchiment pour un rapport dédouanant l’ex-gouverneur de la Banque du Liban (BDL) Riad Salamé d’accusations de détournement de fonds publics, a appris l’AFP vendredi de source proche du dossier.

Agence France-Presse 21 juin 2024 à 18h05

Le patron d’un important cabinet d’audit libanais a été mis en examen le 14 mai à Paris pour complicité de blanchiment pour un rapport dédouanant l’ex-gouverneur de la Banque du Liban (BDL) Riad Salamé d’accusations de détournement de fonds publics, a appris l’AFP vendredi de source proche du dossier.

Dans le détail, Antoine G., patron de la filiale libanaise de BDO audit, est suspecté d’avoir « facilité (…) la justification mensongère de l’origine des biens et revenus de M. Salamé, des structures dont il est le bénéficiaire économique, ou des membres de sa famille », selon des éléments de l’enquête dont l’AFP a eu connaissance.

Ce Libano-Belge âgé de 70 ans est mis en cause en tant qu’associé-gérant de BDO, pour un rapport dit de procédures convenues, qui a été « produit en justice pour justifier l’absence de détournements de fonds publics, et donc l’origine licite du patrimoine de M. Salamé ».

Selon la réglementation, un tel rapport ne vise pas à vérifier l’exactitude d’une comptabilité, contrairement à un rapport d’audit, mais seulement à dresser une liste de faits établis.

Ce rapport de novembre 2021 a pourtant été versé à l’enquête deux mois plus tard par la défense de M. Salamé avec ce commentaire : « Etabli par le cinquième plus grand cabinet d’audit mondial, il vient confirmer que notre client n’a jamais perçu de fonds de la BDL, à l’exception de sa rémunération ».

Ce rapport ne pouvait « servir de base à justifier de l’origine des fonds » ni à « prouver quelque chose », s’est défendu Antoine G. le 14 mai devant la juge d’instruction.

Son utilisation a « été instrumentalisée et amplifiée sans justification », a ajouté M. G, disant s’être « borné à regarder les lignes de comptes ».

L’auditeur a fini par se déclarer « d’accord » avec la juge pour dire qu’il ne pouvait « indiquer l’origine » d’une partie des fonds de M. Salamé.

Antoine G. « déplore et conteste fermement l’usage détourné de ce rapport à des fins contraires à celles pour lesquelles il a été établi », ont commenté ses avocats, Me Léon del Forno et Jade Radix Hess.

« Aucune responsabilité ne peut donc lui être imputée, a fortiori pénale. Sa mise en examen sera donc contestée et il devra bénéficier d’un non lieu », ont-ils ajouté.

Interrogé par l’AFP, Me William Bourdon, l’un des avocats de l’association Sherpa et du Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban (CPVCL), a indiqué qu’« en matière de fraudes, les auditeurs jouent souvent un rôle clé et sous estimée ».

D’après l’avocat de ces parties civiles, cette « mise en examen est une pièce supplémentaire à la révélation d’une captation par un clan familial des ressources publiques du Liban ».

Outre Riad Salamé, visé par un mandat d’arrêt depuis mai 2023, au moins quatre autres personnes sont poursuivies : l’ancienne assistante à la BDL de M. Salamé, une proche de ce dernier, l’ancien ministre Marwan Kheireddine et un fils de Raja Salamé, également cité dans cette procédure.

En mars 2022, la France, l’Allemagne et le Luxembourg ont gelé 120 millions d’euros d’avoirs libanais soupçonnés d’appartenir à M. Salamé et ses proches.

Agence France-Presse

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