Sport Football
L’argent noir du football belge devant les juges
Une vaste opération « mains propres » vise des dirigeants de club parmi les plus huppés du pays.
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, Correspondant) Publié hier à 12h44
Les portraits de ces personnalités appartenant au gratin du football belge ornaient, jusqu’ici, les pages sportives des quotidiens. Depuis vendredi 14 janvier, ils ont migré vers la rubrique faits divers. Ce jour-là, le parquet fédéral, chargé de la lutte contre la grande criminalité, la fraude et le terrorisme, a frappé un grand coup : il a demandé le renvoi des 56 personnes – dirigeants, joueurs, agents, entraîneurs et arbitres – devant la justice. Une société et quelque 200 autres acteurs sont dans le collimateur des services de l’inspection fiscale.
Commencée en 2018, cette opération « mains propres » – ou « Footbelgate » – a entraîné un véritable séisme. Elle met en cause onze des dix-huit clubs de la Pro League et des dirigeants de premier plan, anciens ou actuels, des clubs de Bruges, d’Anderlecht, du Standard Liège, de Genk, de Charleroi, de Gand. Le top 6 belge, rejoint par des équipes plus modestes apparemment impliquées, elles aussi, dans un scandale d’argent noir, de fausses factures, de matchs truqués ou de pots-de-vin.
Ironie, ou symbole : l’actuel leader du championnat, le petit club bruxellois de l’Union Saint-Gilloise, n’est pas touché par le scandale, pas plus que les trois derniers du classement, Zulte Waregem, Seraing et Beerschot.
Les juges doivent décider prochainement du renvoi de tout ou partie des gros bonnets qui, des années durant, ont participé à un système perverti dont le parquet fédéral dit qu’il a été mis sur pied par une « organisation criminelle ». Compte tenu des recours qui seront introduits et des manœuvres de retardement auxquelles vont se livrer certains prévenus, le procès, prévu à Anvers, ne se déroulera sans doute pas avant 2023.
Certains espèrent au moins que, d’ici là, une nouvelle génération de dirigeants redressera l’image d’une nation footballistique qui, autre ironie, trône depuis 2018 à la première place du classement mondial de la FIFA, devant le Brésil et la France.
Des dizaines d’interrogatoires pendant deux ans
Rien de cette gigantesque affaire n’aurait été connu sans l’opiniâtreté du parquet et les révélations d’un homme-clé, l’agent de joueurs Dejan Veljkovic. Cet ancien attaquant serbe du club d’Alost était devenu, au fil du temps, un acteur central du championnat belge.
A la tête d’une société basée à Chypre, nanti d’un réseau relationnel incomparable et doté d’une imagination débordante, Dejan Veljkovic a monté une organisation qui lui a permis de devenir millionnaire et de faire en sorte que des dirigeants, des entraîneurs ou des joueurs puissent dissimuler une partie de leurs revenus ou bénéficier de commissions occultes. De 30 à 40 millions d’euros d’argent noir auraient ainsi transité par le compte de l’agent, qui affirme en avoir redistribué 25. Lire la suite.