Reportage
Près d’un million de réfugiés sud-soudanais : l’Ouganda arrive à saturation
Kampala a mis en place une généreuse politique d’accueil pour ceux qui fuient la guerre au Soudan du Sud. Mais le modèle, sous pression, est proche du point de rupture.
Par Gaël Grilhot (contributeur Le Monde Afrique, Kampala)
LE MONDE Le 15.08.2017 à 14h22 • Mis à jour le 15.08.2017 à 14h49
« Lorsque les soldats sont entrés dans le village, ils ont massacré tout le monde. Ils ont tué ma femme. » En décembre 2016, l’armée sud-soudanaise a mené une opération punitive dans le village de James, dans le district de Morobo. Lui a pu s’enfuir dans la brousse avec ses deux enfants. Ils y ont survécu pendant six mois, avant de se résoudre à quitter le Soudan du Sud. Une marche éreintante de cinq jours avant d’atteindre l’Ouganda, où ils ont rejoint les nombreux Sud-Soudanais qui y ont trouvé refuge. « Je ne sais pas à quoi j’ai droit, reprend James, anxieux. Mais l’essentiel est que je sois ici en sécurité avec mes fils. »
Le nombre de réfugiés sud-soudanais présents en Ouganda va dépasser le million cette semaine, si l’on en croit le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Le pays est internationalement reconnu comme terre de refuge pour tous ceux qui fuient les nombreuses crises politiques que connaît la région (Burundi, RDC, etc.). C’est particulièrement vrai pour ceux qui viennent du Soudan du Sud, en proie à une guerre civile qui oppose depuis fin 2013 les partisans du président, Salva Kiir, à ceux de son rival (et ancien vice-président) Riek Machar.
En 2006, une loi sur les réfugiés a même été adoptée, qui accorde à chaque famille fuyant un conflit un lopin de terre pour habiter et un autre pour cultiver, en attendant que la paix revienne dans leur pays. Des terres obtenues auprès des communautés et des propriétaires en contrepartie de la mise en place d’infrastructures (écoles, centres de santé) par les ONG et les institutions internationales. Théoriquement, l’installation des réfugiés représente aussi une opportunité de développer le marché du travail pour les populations locales.
Prostitution et petite délinquance
Mais dans le nord du pays, ce modèle donnant-donnant est aujourd’hui à bout de souffle. Depuis janvier, ils sont ainsi 295 000 à être arrivés sur le sol ougandais, avec une moyenne évaluée à 1 400 par jour. Devant la pression, les parcelles de culture attribuées aux réfugiés par le bureau du premier ministre ont été considérablement réduites, voire annulées pour les derniers arrivants. « La question des terres arables disponibles est un vrai problème », admet Bik Lum, à la tête du HCR dans la sous-région : « Le flot d’arrivées est continu, et contrairement à d’autres crises, nous ne savons pas quand cela va s’arrêter. »
[…] Dans les camps, ces restrictions ont provoqué des mouvements de mécontentement et des personnels du PAM ont été pris à partie à plusieurs reprises ces derniers mois. « Ces coupes, qui touchaient jusque-là les réfugiés les plus anciens, concernent désormais les nouveaux arrivants », s’alarme Isabelle D’Haudt, conseillère à l’Office d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) : « Cela les pousse à trouver d’autres moyens. On observe ainsi une montée des transactions sexuelles pour obtenir de l’argent ou de la nourriture. » Prostitution mais aussi petite délinquance : la question sécuritaire commence à devenir une préoccupation pour les institutions humanitaires, qui réclament plus de forces de police pour patrouiller dans les camps.
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