Le scandale Fortis, une histoire belge

Jeudi 27 juillet 2017 — Dernier ajout dimanche 2 juillet 2017

Le scandale Fortis, une histoire belge

Rédigé par Yves Melin & Philippe Billiet le 16 Janvier 2009

Fortis était jusqu’à la fin septembre 2008 l’une des institutions les plus importantes du Benelux et en Europe dans les domaines de la banque et de l’assurance. En moins de dix jours, cette institution financière vénérable (héritière des activités bancaires de la Société Générale de Belgique, créée en 1822, avant la naissance de l’Etat belge, par Guillaume Ier des Pays-Bas) et incontournable au Benelux a été nationalisée par les Etats belge, luxembourgeois et néerlandais, et - en ce qui concerne les parties belges et luxembourgeoises - vendue (bradée selon la plupart des commentateurs) à BNP Paribas. La crise Fortis s’est ensuite doublée d’un scandale Fortis, qui a entrainé la démission du premier ministre Yves Leterme et la chute de son gouvernement.

[…] Le scandale Fortis

Ce qui frappe dans cette crise sans pareil dans l’histoire financière belge, c’est la façon dont l’Etat s’est substitué aux organes de Fortis, avec ce qui apparait comme un manque total d’égard pour le droit belge des sociétés et de respect des droits des actionnaires du groupe Fortis qui en découlent. L’Etat s’est comporté en administrateur de fait de Fortis Holding, dont le conseil d’administration ne fera qu’avaliser ces accords après qu’ils aient été négociés et conclus par le gouvernement, et après avoir été rendus publics. Le gouvernement ne fera d’ailleurs aucun mystère à ce sujet : à situation sans précédent, mesures sans précédent ; quitte à léser au passage les actionnaires dans l’intérêt supérieur du pays.

Dès le lundi 6 octobre 2008, des fédérations d’actionnaires s’opposent avec virulence aux accords du week-end précédent. Ils estiment que les prix payés par les Etats belge, luxembourgeois et néerlandais pour le rachat des actifs de Fortis les spolient de pas moins de 20 milliards d’euros. Les actionnaires exigent l’organisation d’une assemblée générale ayant pour objet l’approbation des nationalisations, puis de la revente à BNP Paribas. Cette demande est rejetée par le nouveau conseil d’administration de Fortis, et les premiers recours en référé sont introduits à la mi-octobre 2008. Ces recours visaient notamment à obtenir la suspension de la vente des actions de Fortis Banque Belgique/Luxembourg et de Fortis Assurance Belgique à BNP Paribas, d’une part, et la suspension de la vente des actions de Fortis Bank Nederland, de Fortis Insurance Nederland et d’ABN Amro à l’Etat néerlandais, d’autre part, le temps que des experts indépendants estiment la valeur de ces actifs et qu’une assemblée générale des actionnaires puisse se prononcer sur ces opérations.

Le ministère public rendra un avis favorable aux actionnaires. Le recours sera néanmoins rejeté par le tribunal de commerce de Bruxelles le 18 novembre 2008, sur fond de pressions exercées par le premier ministre par voie de presse (menaces de retrait de l’Etat belge et de mise en faillite de Fortis banque). Un recours sera introduit devant la Cour d’appel de Bruxelles le 24 novembre.

La Cour rendra son arrêt le 12 décembre 2008 et, prenant le monde politique, le monde financier et la presse totalement par surprise, fera intégralement droit aux demandes des actionnaires. La Cour a ainsi suspendu les ventes, désigné des experts, et exigé la tenue d’une assemblée générale dont l’objet sera de se prononcer sur les ventes d’actifs et les conditions de ces ventes. La Cour fait également interdiction à l’Etat belge de vendre les actions de Fortis à BNP Paribas pendant une période de 65 jours, et ordonne à BNP Paribas de maintenir telles quelles les relations interbancaires qu’elle entretient avec Fortis Banque, sur la base des conditions de marché. La Cour assortit le respect de cette interdiction faite à l’Etat belge, et de cet ordre fait à BNP Paribas d’une astreinte (pénalité) astronomique de 5 milliards d’euros à verser aux actionnaires plaignant en cas de violation.

Le scandale arrivera au sujet des circonstances dans lesquelles l’arrêt de la Cour d’appel – très défavorable à l’Etat, c’est peu de le dire – a été rendu. Lire la suite.

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