Nouvelles accusations formelles contre Temer
Brésil Le président brésilien a été formellement accusé par le procureur général, jeudi, d’obstruction à la justice et de participation à une organisation criminelle.
Le président brésilien Michel Temer, déjà au centre d’un vaste scandale de corruption, a fait l’objet jeudi d’une nouvelle accusation de la part du parquet, pour « obstruction à la justice et participation à une organisation criminelle ».
Le procureur général Rodrigo Janot a présenté une demande de mise en examen de M. Temer et de six de ses proches collaborateurs, affirmant que le chef de l’État jouait le rôle de « leader de l’organisation ».
Fin juin, M. Temer, 76 ans, avait déjà été accusé formellement de « corruption passive », mais était parvenu à sauver son mandat, empêchant l’ouverture d’un procès à son encontre en obtenant une large majorité à la chambre des députés.
La présidence a réagi jeudi dans un communiqué avec une rare virulence, qualifiant les nouvelles accusations d’« absurdes » et jugeant que le procureur général maintenait « sa conduite irresponsable pour couvrir ses propres erreurs ».
Selon le procureur, Michel Temer a « joué le rôle le leader de l’organisation criminelle depuis mai 2016 », date à laquelle il a remplacé à la tête du pays Dilma Rousseff (gauche), elle-même destituée pour maquillage de comptes publics.
Le réseau de corruption aurait permis aux accusés d’empocher 587 millions de réais de pots-de-vin (environ 158 millions d’euros au taux de change actuel), ajoute le parquet. Des dessous de table auraient été versés notamment dans l’objectif d’obtenir des faveurs pour des entreprises privées cherchant à décrocher des contrats avec des compagnies d’État, comme le géant pétrolier Petrobras.
Valises de billets
Cette demande de mise en examen a été remise à la Cour suprême, qui doit l’analyser avant de la soumettre à la chambre des députés. Si deux tiers des parlementaires votent pour l’ouverture d’un procès, le président sera écarté pour six mois le temps de son jugement.
Mais la plupart des observateurs considèrent qu’il dispose toujours des soutiens nécessaires au Parlement pour se maintenir au pouvoir contre vents et marées. Malgré un taux de popularité au ras du sol (5% selon les derniers sondages), le président Temer bénéficie du soutien des marchés, qui voient d’un bon œil ses mesures d’austérité pour assainir les comptes publics dans un pays qui émerge lentement de la récession.
« Le président a la certitude que la vérité va prévaloir et que le gouvernement pourra alors s’occuper pleinement des vrais problèmes du Brésil », a fait valoir la présidence dans un communiqué.
La demande de mise en examen de jeudi concerne aussi six autres membres du parti de M. Temer, le PMDB (centre-droit). Parmi eux, deux de ses plus proches collaborateurs, Eliseu Padilha, ministre de la Maison civile, fonction qui s’apparente à celle de Premier ministre, et Moreira Franco, secrétaire-général de la présidence.
La liste inclut également l’ex-ministre Geddel Vieira Lima, écroué la semaine dernière, après la découverte de l’équivalent de 16 millions de dollars cachés dans des valises et des mallettes qui portaient ses empreintes digitales.
Le procureur évoque aussi des versements à Lucio Funaro, soupçonné d’être un intermédiaire du PMDB pour le paiement de pots-de-vin, ce qui justifie l’accusation d’« obstruction à la justice ».
Témoignages contestés
Les accusations s’appuient notamment sur les confessions explosives du magnat de la viande Joesley Batista, auteur d’un enregistrement compromettant pour le président Temer. Dans cet enregistrement clandestin, rendu public mi-mai, le chef de l’État semble donner son accord pour l’achat du silence d’un député aujourd’hui en prison.
Propriétaire du géant de la viande JBS, Joesley Batista est passé aux aveux après avoir noué un accord avec la justice en échange de son immunité. Cet accord a depuis été annulé et M. Batista placé en détention provisoire, soupçonné d’avoir omis de fournir des éléments aux enquêteurs.
Mais la demande de mise en accusation précise que cette suspension « ne limite pas l’utilisation des preuves présentées ». Une version contestée par la présidence, qui considère que M. Janot a « ignoré de façon délibérée les soupçons qui pèsent sur ces témoignages ».
Cette nouvelle mise en accusation était attendue comme le dernier fait d’armes de Rodrigo Janot, un des fers de lance de la lutte anticorruption. Il doit quitter son poste en fin de semaine, son mandat arrivant à son terme, et sera remplacé lundi par Raquel Dodge, magistrate désignée par le président.
(ats/nxp)
Créé : 14.09.2017, 23h28