Gibraltar, le « caillou » de la discorde
[ 23/02/10 ]
Extraits de l’article mis en ligne sur le site du journal Les Echos :
C’est une vieille histoire. Depuis la signature, en 1713, du traité d’Utrecht accordant à la Grande-Bretagne le contrôle du « rocher », l’Espagne n’a jamais cessé de réclamer ce qu’elle considère comme son territoire. Une source régulière de tensions entre les deux pays… Qui se déchirent ces temps-ci pour la souveraineté des eaux territoriales.
Décolonisation
Dans le cadre du mouvement de décolonisation de l’après-guerre, l’affaire atterrit sur le bureau des Nations unies au début des années 1960. Sur fond de guérilla judiciaire incessante, alternent négociations et moments de tension. Pour maintenir la pression, l’Espagne, passée entre-temps de la dictature franquiste à la démocratie, ferme la frontière avec la péninsule entre 1966 et 1985. Le contrôle de l’espace aérien et des eaux territoriales est l’objet de nombreuses frictions. Alors qu’un accord est proche, en 2002, sur un partage de la souveraineté entre Londres et Madrid, les électeurs de Gibraltar (30.000 habitants), invités à se prononcer par référendum, votent à 99 % contre le projet. D’origine andalouse, portugaise, italienne, maltaise et marocaine, la population locale, dont les Britanniques ne représentent que 13 % du total, s’invite dès lors dans le débat. Douée pour les affaires, elle a pris son indépendance économique. La construction et la réparation navales, qui représentaient 60 % du produit intérieur brut en 1984, ne contribuent plus désormais qu’à 7 % de l’activité domestique. La péninsule a su aussi délier son avenir de celui de la base militaire, dont les effectifs sont tombés de 1.800 personnes à la grande époque à quelque 400 aujourd’hui.
Gibraltar est ainsi devenu un petit paradis fiscal pour le plus grand bonheur des avocats dont le nombre, dit-on, est plus important que celui des chauffeurs de taxi. Ces dernières années, les gouvernants locaux qui se sont succédé ont tout fait pour attirer banques, assurances et gestionnaires de fonds, en offrant confidentialité et taux d’imposition compétitifs, avec un débouché direct, Grande-Bretagne oblige, sur le marché européen. « Nous avons un régime régulatoire adapté, intelligent et flexible », explique James Lasri, l’un des responsables du cabinet Hassans, le plus important de la place. « Tout le monde se connaît. S’il y a un problème, il se règle facilement. »
On recense ainsi à Gibraltar 18 établissements bancaires, dont la Société Générale via sa filiale Hambros, 57 compagnies d’assurances et de réassurance, quelque 120 fonds d’investissement de toute taille avec un total de près de 5 milliards de dollars sous gestion et une vingtaine de firmes de jeux en ligne.