L’Autriche dénonce les paradis fiscaux américain et britannique
jeudi 11 avril 2013 18h26
DUBLIN (Reuters) - L’Autriche a répondu aux critiques sur son secret bancaire en invitant jeudi le Royaume-Uni et les Etats-Unis à réprimer les paradis fiscaux et le blanchiment d’argent sur leurs propres territoires.
A la veille de rencontrer ses collègues de l’Union européenne réunis à Dublin pour débattre entre autres de la question, la ministre autrichienne des Finances, Maria Fekter, n’a pas exclu de suivre l’exemple du Luxembourg, qui a annoncé la suppression du secret bancaire pour les ressortissants de l’UE à partir de janvier 2015.
Mais elle a souligné que ce ne pouvait être « à sens unique », accusant Londres et Washington de ne rien faire pour supprimer leurs propres paradis fiscaux dans le Delaware ou les îles anglo-normandes.
"Le Delaware et le Nevada sont des paradis fiscaux et des centres de blanchiment d’argent dont il faut parler aussi« , a-t-elle dit dans une interview au quotidien Die Presse. Quant à la Grande-Bretagne, accuse la ministre, c’est »l’île des bénis de l’évasion fiscale et du blanchiment".
A l’ordre du jour de la réunion de l’Ecofin, vendredi et samedi, devrait figurer le projet pilote présenté cette semaine par les cinq principales puissances économiques de l’UE -Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Espagne- qui ont convenu de renforcer leur coopération.
Le ministre français du Budget, Bernard Cazeneuve, dont le prédécesseur Jérôme Cahuzac a avoué posséder un compte non déclaré en Suisse il y a une semaine, après l’avoir nié farouchement pendant quatre mois, a averti jeudi l’Autriche qu’elle risquait d’être écartée des transactions financières si elle n’acceptait pas de partager son secret bancaire.
« Il n’est pas normal que des pays comme l’Autriche par exemple ne communiquent pas les informations dont ils disposent concernant les ressortissants de l’Union européenne ayant des comptes chez eux », a déclaré Bernard Cazeneuve sur France Info.
« Si ces pays ne coopèrent pas, s’il n’y a pas de convention d’échange d’informations qui permette la totale transparence au sein de l’Union européenne, ces pays s’exposent au risque de figurer sur la liste des Etats et territoires non coopératifs. »
Maria Fekter propose pour sa part que la Grande-Bretagne et des territoires associés comme les îles anglo-normandes, dont la principale est Jersey, soient tenus de suivre les règles que l’UE a imposées à Chypre pour empêcher des particuliers de prendre anonymement le contrôle de sociétés ou de fondations.
"Ce que nous exigeons de Chypre, une petite île, nous l’exigeons aussi du Royaume-Uni", dit la ministre conservatrice dans son interview à Die Presse.
Dans un autre entretien au tabloïd Kurier, elle ajoute : "Nous voulons un registre des fondations pour les îles anglo-normandes mais aussi pour les pays où la loi britannique s’applique comme les îles Caïmans, les îles Vierges ou Gibraltar (…) Ce sont des territoires qui sont des paradis pour ceux qui fuient les impôts."
Le chancelier Werner Faymann, qui est social-démocrate, a déclaré cette semaine que son pays était prêt à négocier avec Bruxelles tant que le secret bancaire continuerait de protéger les ressortissants autrichiens.
La Commission européenne a averti Vienne lundi que refuser de modifier ses règles en matière de secret bancaire risquait de la placer dans une position « isolée et intenable ».
Les Etats-Unis, qui ont lancé ces dernières années une vaste traque aux évadés fiscaux, doivent entamer des négociations prochainement avec l’Autriche.
L’UE l’a prévenue qu’elle prendrait des mesures de rétorsion si Vienne fournit des informations sur les comptes bancaires des ressortissants américains et refuse de le faire pour les autres pays de l’UE.
Padraic Halpin et John O’Donnell ; Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Gilles Trequesser