Le CIC jugé responsable d’une « fraude au président »
Home ECONOMIE Entreprises Par Mathilde Golla, Service infographie du Figaro Publié le 11/12/2014 à 15:31
INFOGRAPHIE - La banque a été condamnée car elle a manqué de vigilance en autorisant un virement malhonnête. Cette décision fera jurisprudence face à cette escroquerie qui fait des ravages en entreprise.
Une première. Alors que les « fraudes au président » sont de plus en plus nombreuses en entreprises, une banque a été condamnée pour avoir manqué de vigilance. « Le CIC a été condamné à rembourser l’intégralité du montant frauduleux qu’il a autorisé à l’entreprise victime de cette escroquerie », indique maitre Hélène Feron-Poloni, avocate de l’entreprise Etna Industries.
Le principe de cette escroquerie qui fait des ravages dans les PME est simple comme un coup de fil ! Les escrocs commencent par se renseigner sur une entreprise et ses dirigeants, ses conseillers, ses avocats…Ils interceptent les coordonnées des dirigeants et leurs signatures au bas des documents officiels. Au terme de ce travail de Bénédictins, qui peut prendre trois à six mois, un des malfaiteurs se fait passer pour le président-directeur général et appelle un membre du service comptabilité ou trésorerie. Il explique à son « subalterne » qu’il est en déplacement à l’étranger et qui l’a choisi en raison de sa fiabilité et de sa discrétion pour mener une « opération exceptionnelle, confidentielle et extrêmement urgente ». Il demande alors à l’employé de lui faire un virement en urgence à l’étranger et de rester très discret. Une fois l’argent transféré sur un compte offshore, l’escroc devient introuvable.
C’est l’expérience vécue par Etna Industries. La responsable du service comptabilité de la PME basée à Argenteuil a en effet reçu un mail qui semblait émaner de la responsable du groupe lui demandant de faire un virement de 500.000 euros, confie Carole Gratzmuller, la patronne d’Etna Industries, au Parisien. Comme dans les autres cas de « fraude au président », les escrocs se faisant passer pour la dirigeante ont demandé à la comptable de rester discrète, ils ont affirmé que ces fonds serviraient à racheter une société basée à Chypre. Les malfaiteurs ont ensuite demandé à effectuer les transferts de fonds sur un compte basé à l’étranger.
« Les banques vont ainsi être obligées de mettre en place des procédures » Maitre Hélène Feron-Poloni, avocate du cabinet Lecoq-Vallon & Feron-Poloni
Harcelée et sous la pression des demandes insistantes des malfaiteurs, la comptable a demandé aux quatre banques de l’entreprise d’effectuer les virements. Une des banques refusera de transférer ces fonds et alertera la direction, explique maitre Hélène Feron-Poloni. Mais trop tard, la banque CIC a déjà procédé au virement. « Le CIC n’a pas fait preuve de vigilance, la banque n’a mis en place aucune des procédures de contrôle. L’ordre de virement aurait dû les alerter car il n’avait rien d’habituel pour cette société. Le groupe n’avait jamais effectué de virement à Chypre et il ne fait jamais de virement de ce montant », ajoute l’avocate. « La « fraude au président » n’est rendue possible que parce que les banques lâchent les fonds, elles constituent le dernier rempart avant la fraude et doivent prendre leur responsabilité », indique encore l’avocate.
Le CIC a ainsi été condamné à rembourser au groupe les 100.000 euros de cette « fraude au président » en raison « de leur manquement à leur obligation de vigilance et leur légèreté ». Cette décision va faire jurisprudence, souligne l’avocate. « Les banques vont ainsi être obligées de mettre en place des procédures pour être plus vigilantes face à cette escroquerie qui fait de plus en plus de victime », ajoute l’avocate.
Le CIC a fait appel de cette décision. Le groupe n’a toutefois « pas souhaité faire de commentaires à ce sujet ».