Mark Thatcher : des échecs aux allures de fiasco
(A.P 01/09/2004)
LONDRES (AP) - Attrapé en pyjama au saut du lit mercredi, Mark Thatcher s’apprêtait à fuir Le Cap pour Dallas, à la suite de soupçons pesant sur lui quant à son implication dans un complot visant à mettre la main sur un petit pays africain, troisième producteur de pétrole du continent. La carrière d’homme d’affaires du fils de Margaret Thatcher pourrait bien connaître un sérieux coup d’arrêt après de multiples échecs à l’allure désormais de fiasco.
Le fils de l’ancien première ministre britannique est accusé d’avoir participé au financement d’une tentative de coup d’Etat en Guinée-Equatoriale, une ancienne colonie espagnole dont les fonds sous-marins sont gorgés d’or noir.
Mark Thatcher, 51 ans, avait mis en vente sa luxueuse résidence de Constantia, banlieue huppée du Cap, pour 22 million de rands (2,7 millions d’euros). Il avait déjà acheté les billets d’avion vers Dallas pour sa femme et ses deux enfants. « Les vols étaient réservés pour lundi, et nous avons toutes raisons de croire que Thatcher aurait suivi peu après. Quand vous faites déménager toute votre famille et que vous vendez votre propriété, il paraît clair que vous vous apprêtez a partir vous-même », a expliqué Sipho Ngwema, porte-parole des Scorpions, une unité spéciale de la police sud-africaine.
Marc Thatcher a été assigné à résidence jusqu’au 8 septembre en échange d’une caution de deux millions de rands (246.000 euros). Il est accusé de violation d’une loi sud-africaine sur l’assistance militaire à une puissance étrangère, délit pour lequel « la loi ne précise pas s’il risque une amende ou une peine de prison », selon le porte-parole de la police. Plus grave, la Guinée-Equatoriale, qui juge actuellement les membres du complot, devrait demander son extradition. Toutefois, il n’existe pas de traité entre les deux pays en la matière.
Devenu « Sir » à la mort de son père Denis l’année dernière, Mark Thatcher est bien connu du public anglais pour son passé mouvementé. Après avoir échoué trois fois à l’examen d’expert-comptable, celui que ses camarades de pensionnat appelaient "Thickie" (Bêta) avait tenté de devenir pilote de rallye automobile. Ce qui avait été l’occasion des premières larmes en public de sa mère en 1982, quand il s’était perdu dans le Sahara pendant le Paris-Dakar…
Après la faillite de son écurie de course, il était parti aux Etats-Unis, où il a épousé une héritière texane en 1987. Installé en Afrique du Sud en 1995 après des échecs financiers successifs -le fisc américain lui a réclamé près de 20 millions de dollars avant d’abandonner les poursuites-, il a également été suspecté de trafic d’influence lors d’un contrat de ventes d’armes en 1994. Les travaillistes avaient obtenu une enquête parlementaire pour éclairer son rôle en coulisses pendant un voyage officiel de sa mère en Arabie saoudite.
Outre le fils de la « Dame de fer », 89 autres personnes sont en cours de jugement pour leur implication dans la tentative de coup d’Etat avortée en Guinée-Equatoriale. Environ 70 hommes, d’anciens militaires sud-africains pendant l’apartheid pour la plupart, sont actuellement jugés au Zimbabwe, où leur avion a été intercepté pendant une escale le 6 mars dernier. A Malabo, sa capitale, la Guinée-Equatoriale juge depuis lundi un autre groupe de 19 hommes, accusés d’être les éclaireurs du coup raté contre le président Teodoro Obiang.
Les témoignages recueillis pendant le procès, notamment auprès de Nick du Toit, un marchand d’armes sud-africain installé à Malabo qui risque la peine de mort, font de Mark Thatcher l’un des principaux financiers du complot qui visait à renverser le président pour y placer un allié à leur solde et contrôler les ressources pétrolières du pays. Le « cerveau » serait Simon Man, un ancien élève de le très chic pensionnat britannique d’Eton qui, après un passage comme officier dans les services spéciaux anglais SAS, avait monté la société Executive Outcomes en Afrique du Sud en 1993.
Après être devenue l’une des plus grosses entreprises de mercenaires au monde, Executive Outcomes a été interdite par les autorités sud-africaines en 1999. Simon Mann habite dans une luxueuse villa toute proche de celle de Mark Thatcher au Cap.
Il semble que l’autre suspect accusé d’avoir financé le complot, le millionnaire anglo-libanais Eli Calil, soit aussi un voisin de Thatcher à Constantia. Ce financier de 58 ans a fait fortune dans les milieux pétroliers africains, où ses occupations l’ont conduit à être mis en examen par la justice française en juin 2003, dans le cadre de l’affaire Technip.
François Foulon, procureur adjoint des affaires financières au tribunal de Paris, décrit Eli Calil comme « un personnage de faible envergure dans l’affaire, un intermédiaire » suspecté d’avoir perçu des commissions illégales et accusé d’abus de biens sociaux.
© Copyright A.P
Publié avec l’aimable autorisation de l’Associated Press.
Visitez le site de l’Associated Press.