Guinée Équatoriale
Les relations mercenaires et suspectes du fils Thatcher
Malabo demande son extradition après son arrestation au Cap pour son implication dans l’affaire du putsch raté contre le président guinéen.
Les Scorpions, unité d’élite de la police sud-africaine, sont convaincus que le fils de l’ex-premier ministre britannique, Mark Thatcher, est impliqué dans la tentative de putsch visant à renverser le régime d’Obiang Nguéma en Guinée Équatoriale. En remontant la piste des 85 mercenaires actuellement en cours de jugement à Malabo et à Harare, ils ont abouti jusqu’au fils de la baronne Thatcher. Sentant le danger, ce dernier s’apprêtait à fuir du Cap, où il vit depuis 1995, avec sa femme et ses deux enfants, pour les États-Unis.
En juillet dernier, dans un quotidien anglais, Mark Thatcher a reconnu être un ami du chef du commando, Simon Mann, qui croupit dans les geôles de Harare. Et « être en affaires » avec l’autre chef du commando, Nick du Toit, dont le procès a débuté lundi à Malabo. Ce que ce dernier a confirmé, le 25 août, au procureur équato-guinéen, expliquant toutefois que leurs relations n’étaient que « commerciales » et concernaient « la vente et l’achat d’hélicoptères ». Simon Mann a de son côté avoué avoir acheté des armes à la manufacture zimbabwéenne pour renverser le président équato-guinéen. Et, dans une lettre datée du 21 mars adressée de sa prison à sa femme, il demandait l’aide de " Scratcher ". Un nom de code qui désigne le fils Thatcher. Il y faisait également appel à David Hart, ancien conseiller de la dame de fer, qui a joué un rôle clef pour briser la grève des mineurs anglais en 1984.
Thatcher, qui nie toute implication, a été arrêté, puis relâché après avoir payé une caution. Il est officiellement inculpé, pour infraction aux lois sud-africaines sur « l’assistance militaire ». Selon Sipho Ngwema, porte-parole de la police, il « est responsable du financement de la tentative de putsch ». Une conviction partagée par président Obiang Nguema. Lors de son récent séjour à Paris, il indiquait que le fils de l’ancien premier ministre « serait dans le coup, tout comme un ex-ministre de Mme Thatcher, dont je préfère pour l’instant taire le nom ». Ce pendant anglais du Papa-m’a-dit, qui a vécu dans l’ombre de sa mère, est devenu riche en épousant l’héritière Texane Diane Burgdorf. Dans les années quatre-vingt, à plusieurs reprises, il a été soupçonné d’utiliser le nom de sa mère pour obtenir des commissions. Mais aucune charge n’a jamais été retenue contre lui.
Avec ce coup de filet, après du Toi et Man, cofondateurs d’Executive Outcome, une entreprise de mercenariat, la troisième pièce du puzzle tombe. Les deux autres personnes soupçonnées sont protégées. Il s’agit du donneur d’ordres, l’opposant Severo Moto, qui bénéficie de son statut de réfugié politique en Espagne. L’autre est le riche courtier en pétrole britanno-libanais Eli Khalil, accusé d’être le pourvoyeur de fonds.
Comme Thatcher et Hart, il était mentionné par la lettre que Mann a envoyée à sa femme. Il aurait décidé d’aider Moto à prendre le pouvoir en échange de promesses de concessions pétrolières en Guinée, troisième producteur d’or noir d’Afrique subsaharienne.
Désormais une question se pose : Le Cap va-t-il extradé le fils Thatcher comme le demande Malabo ? Calcul ou coïncidence, hier on a vu débarquer au Cap, Jack Straw, le chef de la diplomatie anglaise.
Serge-Henri Malet
Article paru dans l’édition du 27 août 2004.
Publié avec l’aimable autorisation du journal l’Humanité.
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