GUINÉE-ÉQUATORIALE - Un réseau britannique derrière la tentative de coup d’Etat
Revue de presse
L’arrestation de Mark Thatcher, fils de l’ancien Premier ministre britannique, dévoile qu’un puissant réseau soutenait la tentative de coup d’Etat de mars dernier en Guinée-Equatoriale, estime la presse sud-africaine. Royaume-Uni, Espagne, France et Etats-Unis, intéressés par le pétrole du pays, seraient impliqués.
« Un coup de théâtre dans un roman à suspense peu vraisemblable », juge l’hebdomadaire Sunday Independent. L’arrestation de Mark Thatcher, fils de l’ancien Premier ministre britannique, le 25 août, au Cap, a suscité la stupeur de la presse sud-africaine. Interpellé par les Scorpions, une unité d’élite de la police, Mark Thatcher, un homme d’affaires riche et discret, est accusé d’avoir financé à hauteur de 228 000 euros une tentative de coup d’Etat en Guinée-Equatoriale, le troisième producteur de pétrole africain.
Cette arrestation inattendue marque une avancée dans l’enquête d’envergure menée par les services secrets de Guinée-Equatoriale, du Zimbabwe et d’Afrique du Sud. En mars dernier, leur coopération avait permis d’intercepter presque simultanément deux commandos de mercenaires, au Zimbabwe et en Guinée-Equatoriale. Les « soldats de fortune » prévoyaient de renverser quelques heures plus tard, la dictature de Teodoro Obiang Ngema, au pouvoir depuis vingt-cinq ans en Guinée-Equatoriale.
« L’affaire du coup d’Etat se corse avec un nouvel élément : un réseau britannique », résume le Cape Times. A l’origine de cette piste, un faux pas de Simon Mann, l’ancien officier britannique, mercenaire confirmé et cerveau du groupe emprisonné à Harare. Quelques jours après son arrestation, il dénonce involontairement plusieurs de ses associés dans une lettre envoyée à ses proches et interceptée par la police.
« La lettre lance un appel à ses amis influents en Grande-Bretagne, notamment […] à ’Scratcher’, plus tard identifié comme Mark Thatcher », raconte This Day, un quotidien d’investigation. Simon Mann et Mark Thatcher s’avèrent alors être voisins au Cap et amis de longue date.
L’hebdomadaire subversif Mail and Guardian présente Mark Thatcher comme un « idiot » peu doué pour les affaires, qui doit sa fortune à sa mère. « Avec l’aide de maman […], il a accumulé quatre-vingt-huit millions d’euros, mais même les plus tenaces des journalistes britanniques n’ont jamais réussi à découvrir en quoi consistent vraiment ses activités. » Le quotidien This Day renchérit en ajoutant que « les seules constantes dans son ascension vers la fortune sont les armes et le pétrole ».
Un autre personnage central apparaît dans la lettre de Simon Mann : Ely Calil, alias « Smelly », un multimillionnaire britannique courtier en pétrole, « ami et financier de Severo Moto, le président du gouvernement en exil à Madrid », révèle le Mail and Guardian.
La liste ne s’arrête pas là, souligne le Sunday Independent, « plusieurs autres riches anglais ont été désignés par les suspects au cours des audiences » au procès de Malabo. Tous appartiennent au « cercle d’amis et d’associés de Simon Mann […], une véritable association d’anciens élèves ayant leurs entrées dans les cercles politiques et militaires britanniques. »
Le monde politique n’est pas épargné. David Hart, nommé dans la lettre de Simon Mann, n’est autre que l’ancien conseiller de Margaret Thatcher quand elle était Premier ministre, explique The Star. L’entourage de Simon Mann comprend également « des poids lourds du Parti conservateur britannique comme l’ancien ministre de la Défense Malcom Rifkind et l’ancien député en disgrâce et écrivain populaire Jeffrey Archer », ajoute This Day.
Pourtant, si l’on en croit Teodoro Obiang Ngema, visé par la tentative de déstabilisation, les vraies responsabilités se situent du côté de l’Espagne. « La phase finale du coup d’Etat reposait sur une aide militaire qui devait venir de l’Espagne par le biais de navires de guerre positionnés dans les eaux territoriales de Guinée-Equatoriale, sous prétexte de défendre le gouvernement légitime du pays », affirme le dictateur équato-guinéen dans The Star. « La Guinée-Equatoriale a souvent accusé le gouvernement espagnol d’héberger et de protéger Severo Moto […], ce qui a conduit à des relations glaciales avec l’ancien colonisateur, impatient de profiter du boom pétrolier mais aussi d’accéder aux précieux droits de pêche », développe The Star.
Mais, selon la presse sud-africaine, l’Espagne n’était pas le seul pays à savoir qu’un coup d’Etat se tramait. Le quotidien This Day va même plus loin : « Des sources britanniques ont suggéré que certains membres de services secrets, notamment américains, pourraient avoir couvert le projet d’évincer Teodoro Obiang Ngema. » Selon ce journal, l’explication est limpide : « L’opposant politique Severo Moto convient mieux aux Américains, qui sont prêts à tout pour protéger les investissements de plusieurs milliards de dollars des entreprises américaines dans le golfe de Guinée. Quant à la France, elle serait ravie de se débarrasser de Teodoro Obiang Ngema pour avoir ainsi un accès aux lucratifs gisements de pétrole de la Guinée-Equatoriale. »
Anaïs Charles-Dominique
© Courrier international 2004
Publié avec l’aimable autorisation du journal Courrier International.
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