Panique bancaire en Andorre
Le Point - Publié le 16/03/2015 à 17:53
Source AFP
La principauté est secouée par des accusations de blanchiment d’argent et de liens avec la mafia portées par les États-Unis contre une de ses banques.
Andorre est plongée dans une tempête bancaire en raison d’accusations américaines de blanchiment d’argent et de liens avec la mafia contre la Banca Privada d’Andorra (BPA), quatrième banque de la principauté, dont un dirigeant est sous les verrous. Interpellé vendredi par la police, un des plus hauts responsables de la BPA, Joan Pau Miquel Prats, a été présenté dimanche à l’issue de 48 heures de garde à vue à un juge, qui l’a mis en examen (inculpé) et fait incarcérer, a-t-on appris lundi de source judiciaire. Il est soupçonné de blanchiment d’argent et de liens avec la mafia chinoise, dans une affaire qui a fait sa première victime à l’international avec la déconfiture de la filiale espagnole de la BPA, Banco Madrid.
La Banque d’Espagne, qui avait pris le contrôle de cette dernière le 10 mars, a annoncé lundi son dépôt de bilan à la suite d’une « très forte détérioration financière (…) conséquence des importants retraits de fonds de clients ». Banco Madrid, filiale à 100 % de la BPA depuis 2011, est spécialisée dans la gestion de fortunes, avec quelque 15 000 clients privés et institutionnels en Espagne. Gestionnaire d’un total de 6 milliards d’actifs, elle s’est vu suspendre ses activités.
Clients en colère
Le scandale a entraîné lundi un début de panique bancaire en Andorre, où la BPA est également gérée depuis le 10 mars par un trio de personnalités nommées par l’Institut national andorran des Finances (Inaf), le Trésor local, qui a destitué le conseil d’administration. Des clients en colère, désireux de retirer leur argent et de fermer leurs comptes, ont constitué lundi de longues files d’attente. Mais la banque a limité les retraits à 2 500 euros par personne, par compte et par semaine.
Dans ce contexte, les autorités andorranes sont montées au créneau pour rassurer sur la solvabilité de la principauté. Face à cette « situation extraordinaire », différentes actions ont été entreprises avec pour seul objectif de « préserver la place financière andorrane », a annoncé à la presse lundi le ministre des Finances Jordi Cinca. Il a lourdement insisté sur la solvabilité des quatre autres banques qui suivent tous les standards internationaux d’échanges d’information : Crèdit Andorrà, Morabanc, Andbank et Banc Sabadell d’Andorra.
Crime organisé
Le 13 mars, la notation d’Andorre a été abaissée par deux des trois grandes agences d’évaluation financière, Standard and Poor’s et Fitch Ratings, à des niveaux dangereusement proches de la catégorie des « obligations pourries » (« junk bonds »). Cette tempête survient alors que le pays sort de nouvelles élections législatives fin février et attend un nouveau gouvernement.
La destitution par le Trésor andorran des dirigeants de la BPA a été décidée la semaine dernière à la suite d’accusations portées il y a une dizaine de jours par les États-Unis. Selon le FinCEN (Financial Crimes Enforcement Network), organe du Trésor américain chargé de la lutte contre la délinquance financière, "de hauts responsables corrompus de BPA, ainsi que des contrôles anti-blanchiment trop lâches, ont fait de BPA un intermédiaire facile des blanchisseurs d’argent en vue de faire passer par le système financier américain les recettes tirées du crime organisé, de la corruption et du trafic d’êtres humains". Les opérations concernent des organisations criminelles en Russie et en Chine pour « des centaines de millions de dollars », d’après les autorités américaines. Outre l’Espagne, la BPA est présente au Panama, au Luxembourg, en Suisse et en Uruguay.