Andorre-la-Vieille (Andorre)
L’Andorre élit dimanche un nouveau gouvernement sur fond de grogne sociale
Par AFP , publié le 06/04/2019 à 12:26 , mis à jour à 12:26
Andorre-la-Vieille (Andorre) - Grogne sociale, euroscepticisme, droit des femmes : enclose dans ses montagnes, la principauté d’Andorre vote dimanche pour un nouveau gouvernement avec des préoccupations similaires à celles de ses grands voisins, France et Espagne.
Ces élections, pour désigner pour quatre ans les 28 membres du Conseil général sont les « premières depuis la crise » qui a rattrapé cet îlot pyrénéen du tourisme hivernal et du commerce détaxé, relève pour l’AFP le président de l’association des consommateurs, Lluís Ferreira.
Le prix à payer pour cet ancien paradis fiscal menacé de mise au ban internationale après le scandale qui avait secoué la Banca Privada d’Andorra (BPA).
Accusée en 2015 de blanchiment de milliards de dollars des mafias russe et chinoise et de la compagnie pétrolière publique vénézuélienne PDVSA, cette banque, la quatrième du pays, a depuis été liquidée, secouant un secteur banquier qui représente 20% de son économie.
La principauté s’est dans la foulée entendue avec l’UE pour lever son secret bancaire, une mesure entrée en vigueur en janvier 2018, et mettre en place une taxation, même réduite, des sociétés et particuliers.
Pour M. Ferreira, « cela a cassé le modèle économique », mettant le pouvoir d’achat sous pression pour les quelque 80.000 habitants, dont seuls les 27.278 détenteurs de la nationalité andorrane ont le droit de vote.
- « Se reconvertir » -
De quoi alimenter une grogne sociale inédite dans ce micro-état, d’autant que l’alignement fiscal — notamment de la filière du tabac, qui assure un quart des revenus— est au centre des négociations en cours pour un accord d’association avec l’UE.
« Nous sommes tout à fait d’accord pour baisser le drapeau de pirate, mais alors l’UE doit nous aider à nous reconvertir », relève Gabriel Ubach, secrétaire général de l’Union syndicale d’Andorre, qui dénonce un « écrasement de la classe moyenne ».
Trois manifestations, du jamais vu en Andorre depuis 85 ans, ont été organisées depuis mars 2018, pour protester contre une réforme de la fonction publique, une situation sociale dégradée, et la cherté de l’immobilier.
Le gouvernement sortant de centre-droit a lâché du lest en janvier, décrétant notamment une hausse du salaire minimum.
Et en dépit des turbulences, le parti « Demócrates », au pouvoir depuis 2011, part favori, en défendant son bilan économique et le rapprochement avec l’UE. Il est « un garant de la stabilité », met en avant un de ses candidats, l’ex-ministre de l’Intérieur, Xavier Espot.
Mais l’alliance entre socialistes et libéraux, « d’Acord », qui mène l’opposition de centre-gauche, est résolue à lui compliquer la tâche, en faisant campagne sur une nécessaire reconversion et modernisation du pays.
- « Anachronisme » -
Parmi les réformes à mener, le chef de file des libéraux, Jordi Gallardo, cite la dépénalisation de l’avortement, la fin du régime bannissant les doubles nationalités, ou l’assouplissement de conditions de naturalisation.
Pour Vanessa Mendoza Cortés, qui dirige l’association « Stop Violències » militant pour les droits des femmes, la question de l’avortement — actuellement totalement proscrit même en cas de viol ou de danger pour la santé — pourrait faire pencher la balance électorale.
Face à l’alliance socio-libérale, les partis centristes et de droite, dont la majorité sortante, excluent de changer la législation en vigueur. Le risque, selon le candidat du parti centriste « »Tercera via", Josep Majoral, serait de casser l’équilibre institutionnel.
Co-prince du micro-Etat avec le chef de l’État français, l’évêque de la ville catalane de la Seu d’Urgell a en effet menacé de se retirer si l’avortement devait être légalisé.
A titre de concession, la majorité sortante a du coup évoqué l’adoption d’un accompagnement financier pour les femmes allant avorter en Espagne ou France.
Une solution rejetée comme « hypocrite et perverse » par Mme Mendoza Cortés, pour qui l’Andorre devrait plutôt saisir l’occasion des élections pour cesser d’être un « anachronisme, le dernier bastion féodal en Europe ».