Presse
Les menaces contre la liberté de la presse se multiplient en Amérique latine
L’AIPA, qui déplore un nombre record de journalistes tués, fustige les difficultés croissantes au Mexique, au Brésil, au Salvador, au Nicaragua et au Venezuela
AFP Publié jeudi 21 avril 2022 à 06:04 Modifié jeudi 21 avril 2022 à 06:06
« Nous clôturons un semestre sombre pour le journalisme dans les Amériques », a déclaré Carlos Jonet, responsable de la commission de la liberté de la presse et de l’information de l’Association interaméricaine de la presse (AIPA), à l’ouverture de sa réunion semestrielle mercredi. L’Amérique latine a enregistré un nombre record de journalistes tués et emprisonnés et voit des législations restrictives l’attaquer.
L’organisation a dénoncé les difficultés croissantes au Mexique, au Brésil, au Salvador, au Nicaragua et au Venezuela, où les journalistes et organes de presse sont pris pour cible par des dirigeants politiques et, par extension, par des secteurs de la société.
Le président de l’AIPA, Jorge Canahuati, a qualifié la situation de la liberté de la presse dans la région de « consternante ». « Le manque de respect pour le travail des journalistes et des médias est colossal, tant de la part des dirigeants autoritaires, des trafiquants de drogue que des responsables démocratiques au franc-parler », a-t-il déclaré.
Des journalistes tués, des réformes restrictives, des procès pour diffamation
Au Brésil selon l’AIPA, la situation est « préoccupante » en raison de la « position anti-journalistique » du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, qui « encourage la violence » à l’encontre des journalistes et promeut le boycott des médias.
L’AIPA souligne la dangerosité de la profession au Mexique, où 16 journalistes ont été assassinés au cours de l’année écoulée, la plupart ayant déjà fait l’objet de menaces de la part de groupes criminels.
Le rapport sur le Salvador dénonce le fait que le gouvernement de Nayib Bukele a mis en œuvre des réformes pénales et une loi bâillon pour « étrangler » la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Le Nicaragua, pour sa part, a connu l’une des périodes les plus « sombres » pour le journalisme lors de l’élection en novembre dernier du président Daniel Ortega pour un quatrième mandat consécutif. Quelque 661 attaques contre des médias et journalistes ont été dénombrées, la plupart commises par des institutions ou des fonctionnaires de l’Etat, selon l’AIPA.
Au Venezuela, le cas du journal El Nacional est souligné, saisi à l’issue d’un procès en diffamation intenté par le numéro deux du pouvoir. En Argentine, le siège du journal Clarin a été la cible d’une attaque aux cocktails Molotov en novembre par des hommes cagoulés. En Colombie, les installations de deux médias ont été endommagées par une voiture piégée.
La viabilité financière des médias nécessaire pour garantir leur indépendance
Pour Jorge Canahuati, la « fragilité » économique de nombreux médias constitue une autre menace pour la liberté de la presse, avec des conséquences directes sur la qualité des démocraties à l’heure où la désinformation à des fins de propagande connaît un essor sans précédent.
Dans sa résolution finale, l’AIPA souligne que la viabilité financière des médias est une condition indispensable à leur indépendance et préconise des accords de rémunération de contenu avec les grandes entreprises du numérique.