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A Londres, premier procès d’un banquier aux commandes pendant la crise de 2008
Pour avoir payé des commissions occultes au Qatar pour sauver sa banque pendant la crise, John Varley, patron de Barclays en 2008, risque dix ans de prison.
Par Eric Albert Publié aujourd’hui à 10h00
La calvitie est désormais plus prononcée, les cheveux sont devenus complètement blancs et les traits sont un peu plus tirés qu’autrefois. Mais l’air d’aisance et de flegme naturels propres à la gentry britannique demeure inimitable. Même assis dans le box des accusés, et risquant dix ans de prison, John Varley incarne à la perfection le parfait banquier vieille mode, issu des grandes familles anglaises et donc – cela va sans dire – digne de confiance.
Depuis mercredi 23 janvier, le procès de l’ancien directeur général de Barclays, en poste entre 2004 et 2011, a débuté. Un procès hors norme, qui devrait durer entre quatre et six mois, qui va aussi être celui de la crise de 2008. M. Varley est – de loin – le plus important banquier britannique à comparaître pour son action pendant la grande crise financière. Jusqu’à présent, outre-Manche, les principaux procès n’ont concerné que les scandales du Libor, de l’Euribor et les tricheries de quelques tradeurs isolés. Aucun haut responsable n’a encore répondu de son action.
Dans la petite cour sous-dimensionnée du tribunal de Southwark, à Londres, avec sa mauvaise acoustique et ses rares sièges qui peinent à recevoir la foule d’avocats, de procureurs, de visiteurs et de journalistes, quatre hommes font face à la justice. A côté de M. Varley, discutant et riant régulièrement avec lui, se trouvent Roger Jenkins, l’ancien patron de Barclays au Moyen-Orient, crâne rasé, mâchoire carrée, autrefois habitué aux bonus qui se comptaient en dizaines de millions d’euros ; Thomas Kalaris, qui dirigeait la branche gestion de fortune ; et Richard Boath, un dirigeant de la banque d’affaires pour l’Europe. Il manque curieusement Bob Diamond, l’ancien tout puissant patron de la banque d’affaires de Barclays, dont le nom apparaît pourtant à répétition dans l’acte d’accusation. Marcus Agius, l’ancien président du conseil d’administration, qui affirme n’avoir été au courant de rien, a décidé de témoigner à charge, et a aidé le Serious Fraud Office (SFO), l’équivalent anglais du Parquet national financier, dans son enquête.
Se plonger dans une folle période
Les faits sont relativement simples. Dans la panique de la crise de 2008, Barclays avait besoin en urgence de lever des capitaux. Sinon, l’Etat menaçait de nationaliser l’établissement. D’extrême justesse, la banque britannique a réussi deux augmentations de capital, en juin et en octobre 2008, pour un total de 11,2 milliards de livres (13 milliards d’euros à l’époque). Le Qatar en a été le principal souscripteur, fournissant le tiers de l’argent. Mais, d’après l’accusation, en échange de ce sauvetage, Barclays a reversé au fonds souverain de l’Etat du golfe Persique des commissions occultes pour un total de 322 millions de livres. Le premier ministre qatari en personne en a touché une partie, sur le compte de sa société personnelle. Lire la suite.